
(Crédit photo Lisa Maya Knauer)
(Article publié par Guarachón sur Esquina Rumbera,
traduit par Patricio, ré-actualisé le 31 juillet 2007 grâce à des informations venant de Congaplace.com)
Gregorio "El Goyo" Hernández nous a envoyé ce mail samedi dernier:
"Hoy a 4a.m falleció Mario Dreke Alfonso (Chavalonga)".
(aujourd'hui à 4 heures du matin est décédé Mario Dreke Alfonso "Chavalonga")
La plupart des amateurs de Rumba connaissent ce rumbero mayor à travers ses performances dans le cd "Rapsodia Rumbera", et tout particulièrement dans la rumba "Palo Quimbombó".
Il a également publié un cd sous son nom sur le label Envidia, affublé du nom de "El Rey de la Tahona" (En el Barrio de Ataré - A70 7089). On trouve ce cd sur le site de Ritmacuba (où Didier Ferrand donne à Chavalonga comme année de naissance 1923).
Il a également "parrainé" le groupe "Ventu Rumbero", dirigé par Román Díaz, devenu plus tard "Wemilere". Il a de plus dirigé le groupe "Awiri Yo" (interjection qu'il utilisait souvent dans ses inspiraciones). Il a été membre du Conjunto Folklórico Nacional, avec lequel il a chanté "A Malanga", la columbia qui figure notamment sur le cd "Afro-Cuba, a Musical Anthology" (Rouder Cd 1088").
Helio Orovio, dans son livre "Cuban Music A to Z," écrit:
"Dreke, Mario ("Chavalonga"): Auteur, chanteur, danseur, musicien. Né le 25 Avril 1925, à La Havane. Depuis les années 1940 Chavalonga est considéré comme les des plus remarquables protagonistes des rythmes afro-cubains et de la rumba. Parmi ses guaguancós les plus populaires figurent "Palo Quimbombó," "Los Barrios Unidos," "Muñequita," et "Oye Lo Que Te Voy a Decir." Il a été membre-fondateur du Conjunto Folklórico Nacional et est actuellement le directeur d'une compagnie portant son nom."
Il dit lui-même: "La rumba je l'ai apprise depuis que je suis gamin. Je suis né dans le quartier d'Atarés, rue Vigia, et chez moi venaient des grands noms de la rumba, parce que mon papa aimait cette musique. Tout particumièrement le soir de Noêl se réunissaient chez moi des rumberos qui venaient des partout, ils venaient là à ce qu'ils appelaient eux-même: le jugement. Je me rappelle de Roberto "El Cardenero", de Sagua, de Roncona, qui était une figure, toujours avec sa fleur à la boutonnière, de Carburo, le premier à avoir amené à la Havane le style de coiffure Mano Negra".
"J'ai été membre-fondateur de la comparsa Los Marqueses de Atarés, créée en 1940 par Victor Herrera, Candito Valladares et mon frère Quique (Enrique Dreke) "El Principe Bailarín", et par d'autres… cette année-là était "sortie" une autre comparsa, La Jabonera, sponsorisée par une marque de savon. Tous les musiciens de Los Marqueses étaient d'Atarés, comme le fameux quintero "Caballerón", comme Yayo, comme "Mosquito Rapaito", "El Hachero", Ricardo Reinoso, qui avait chanté avec El Paso Franco, sa femme Leopoldina Sandrino, Tío Tom, qui n'était pas du quartier mais qui était toujours fourré avec nous. On était tous fiers d'appartenir à Los Marqueses, et pour ça nous mettions beaucoup d'amour à confectionner les costumes, qui étaient des merveilles… rien que les chapeaux coûtaient 100 pesos! C'est là que j'ai fait mes premières compositions. Une chanson qui disait:
"Cuando salen los Marqueses
Qué alegría se ve en el Prado
Hoy te canto a tí
Y te diré por qué
Porque hubo el tríunfo
Del barrio de Atarés
Quítate de la acera
Y déjame pasar
Ahí vienen los Marqueses
Y yo los quiero ver
A la acera, a la acera…"
Et une autre qui disait:
"Marqués, sigue tu paso
Siempre adelante con sinceridad
Y no te ocupes
Del que venga atrás…"
Pour Chavalonga, la rumba est liée d'une certaine manière aux religions afro-cubaines:
"J'ai connu aux meilleurs spécialistes comme "El Conde Bayona", Julián, "El Guerrero" qui était de Sagua la Grande, à Dinde, à d'autres, et tous avaient leur façon de chanter pour leur prenda (congo), qui pouvait être une prenda de Palo (Monte) - il y en avait un dont la prenda venait de Jamaïque - et par conséquent quand ils dansaient ils entraient en transe. Je pense que la rumba a effectivement à voir avec les choses de religion, et en particulier avec le Santo (yoruba).
Par exemple, il y a cette anecdote avec Andrea Baró, qui à eu lieu à Matanzas: un capitaine (de police?) (sur-)nommé Hiro-Hito ne voulait pas qu'on joue de tambour. Le jour où Andrea Baró célèbra son anniversaire de Saint, et voulut défier le militaire, qui se présenta à la fête et qui lui dit: "Qui t'a donné la permission de faire cette fête?" et Andrea répondit: "c'est Oggún". Tous les musiciens se mirent alors à chanter un chant qui disait:
"Oggún baja, no te dejes coger
Oggún baja, no te dejes coger…"
et soudain un des soldats qui accompagnaient le capitaine enleva ses guêtres et se mit à danser avec une machete pour Oggún. Hiro-Hito vit que plus personne ne le regardait, que les gens l'ignoraient, et il dût repartir d'où il était venu. Et ainsi grandît le prestige d'Andrea Baró".
María del Carmén Mestas, auteur cubain ayant écrit bien plus que n'importe qui d'autre à propos des biographies de grands rumberos,
a publié ici un article sur lui, adapté de son indispensable ouvrage "Pasión de Rumbero.".
Traduction de cet article ci-dessous:
"Mémoires d'un Rumbero" - María del Carmén Mestas (augmenté d'autres sources le 31-7-07)
Si vous marchez dans La Havane en direction du barrio d'Atarés, vous rencontrerez sans doute Chavalonga, une encyclopédie vivante de la rue sur la rumba. "Chava", comme l'appellent ses amis, a vu bien des lunes passer dans son coeur de vieil homme, mais dès qu'on entend sonner un tambour, il est le premier à danser.
La nuit était constellée de milliers d'étoiles, le parfum du citronnier concurrençait celui du jasmin. Maigre, le regard brillant, le tout jeune Mario Dreke est entré dans le cercle de la danse. Les tambours battaient leur appel ancestral pour que Chavalonga délivre une savante choréographie, sur un célèbre guaguancó. Il n'avait pas terminé que déjà beaucoup applaudissaient et s'enthousiasmaient: "Ave maría, oui!, il est phénoménal!" disait Andrea Baró, estomaquée. "Mon garçon, tu seras un très grand rumbero", surenchérissait "Carburo".
"Oui, là-bas à Jovellanos j'ai été consacré", disait fièrement Chavalonga, "et ensemble nous avons vécu de grands moments de joie et d'autres de peines, que nous cachions". Ce personnage mythique a développé le genre de la rumba à partir de ses plus profondes racines, et lui a donné une expression unique lui appartenant, en créant un style qui l'identifiait.
(Crédit photo Patricio)
Il est certain que Chavalonga a savouré sa première rumba tout petit: "car dès que j'ai ouvert les yeux, j'ai entendu sonner le tambour, et si d'autres s'endormaient avec des berceuses, pour moi c'est ce son du tambour qui était plus doux que le miel".
"Ma famille est de Limonar, province de Matanzas, et la nuit de Noël tout le monde venait chez moi pour ce qu'on appellait "le jugement". On venait de tous les environs, de Jagüey, de Jovellanos. Je me suis abreuvé de tout ce que faisaient ces étoiles de la rumba: "Carburo", "Sagua", "El Dinde", Celestino Domech, "Jimagua" et les autres".
"C'était mon monde quand j'étais petit, et j'aimais cela parce que c'était une partie de ma vie, en quelque sorte… très dangereuse.
J'ai travaillé avec Chano Pozo, dans un cabaret qui s'appelait… quelque chose comme "Spotwind", et aussi dans les comparsas, c'était notre divertissement. Toute l'année on attendait qu'arrive le carnaval et on s'y préparait en répétant.
Avec Chano j'ai appris à jouer le tambour. Maintenant je chante et je danse en jouant sept tambours, et avec eux j'ai conquis beaucoup de provinces, j'ai joué jusque dans des coins où il n'y avait pas encore l'électricité! Chano avait un tempérament très fort, et nous faisions de ces fêtes dans les carnavals! Ensuite il a eu sa chance avec Amado Trinidad sur la radio Cadena Azul; Rita Montaner en a fait un dandy véritable, vêtu des plus beaux costumes et des bijoux les plus chers". "Chano était un guarachero, toujours jovial, mais l'atmosphère de l'époque l'a dominé et il a pris le mauvais chemin… On a joué ensemble dans les cabarets: au Montmatre on a participé à un spectacle dans lequel figuraient également El Principe Bailarín (son frère), Rita Montaner qui était tout le temps avec Chano à cette époque, Silvestre Méndez et (Alberto) Zayas, celui de "la sopita en botella". Quique (El principe Bailarín) avait même une fois détrôné Chano dans un concours de danse dans un carnaval! Ils se sont mesurés et c'est mon frère qui a gagné ".
J'ai participé au film "Sucedió en La Habana", et je suis allé au Mexique, où j'ai joué avec l'actrice comique Vitola (Famie Kaufman), mais je suis tombé malade car les piments forts m'abîmaient la santé (je ne sais pas si c'était vraiment ça ou bien si c'était la nostalgie qui gagnait mon coeur). Je suis rentré à Cuba sur le bateau "Lucero del Alba".
Si quelqu'un est resté dans la mémoire de Chavalonga, c'est bien Beny Moré, avec qui il a travaillé au Molino Rojo et dans d'autres endroits de la capitale. "Beny est toujours dans mes pensées, un homme qui donnait tout. Son truc c'était chanter, jeter aux vents sa voix magnifique".
Créateur du rythme "la Tahona" (ou plutôt "rénovateur", car deux styles homonymes existaient avant Chavalonga, l'un dans le folklore d'Oriente, et l'autre étant considéré comme une ancienne forme de rumba disparue), compositeur inspiré de boleros et de guaguancó, Chavalonga apparaît également dans de nombreux films tels: La Última Cena," "Rapsodia Abakuá", le documentaire sur Tío Tom, "La Rumbera" et dans le documentaire qu'à réalisé une française sur sa vie: "La Historia del Negro Rumbero Mario Chavalonga".
Chava dit encore: "J'ai été dans les premiers à intégrer le Conjunto Folklórico Nacional, dans lequel ils m'ont appelé pour mes connaissances - à l'époque je connaissait surtout la rumba - mais là-bas j'ai entendu mon répertoire aux autres genres, et maintenant je chante yoruba, lucumí, arará, carabalí… tout ça je le domine. Avec le CFN j'ai presque parcouru le Monde entier; Finlande, France, Espagne, Brésil… en Algérie j'ai composé le morceau "Los Gorritos"; en Espagne pendant une corrida je me suis inspiré et j'ai dédié à Palomo Linares la chanson "El Mejor Torero", j'ai écrit aussi "la Rubia de Paris".
Voici maintenant un extrait d'un documentaire nommé "Para Bailar: La Habana", diffusé sur la télévision grecque:
Nous remercions encore une fois Román Díaz Anaya, qui nous a permis de partager avec vous un enregistrement inédit de "Cuando se Pierde un Amigo" enregistré, mais jamais publié, par le groupe Ventu Rumbero. María del Carmén Mestas raconte comment Chavalonga s'est inspiré d'un fait vécu pour composer cette rumba:
"On peut penser que je me suis dédié seulement à la fête, mais ce n'était pas ainsi: les injustices me faisaient mal, et c'est pour ce ça que je suis allé à Cayo Confite (Porto-Rico) pour combattre le despote Trujillo. J'étais capitaine d'un bateau qui transportait des armes. Ils m'ont capturé à Puerto Principe, Pendant ce voyage-là, j'ai vécu une expérience très difficile: la mort de Jesús Alfaro "Mejoral", au combat. L'émotion m'a inspiré pour écrire "Cuando se Pierde un Amigo".
Román Díaz lui aussi s'est inspiré du décès de Chavalonga pour lui dédier ce texte:
"La rumba está mortifera
Dijo El Curvo a Kike
Cuando lo vió llegar
Y El Chorí emocionado
El quinto a Pancho pidió
Callava con Malanga
Entonaban su Rumbón
Cuando se escuchó esta voz
Palo Quimbombó no sirve pa' candela
Chava abraza a Manuela
Yambú palo mariba
El Imperio celeste
(Román Díaz Anaya)
CUANDO SE PIERDE UN AMIGO
CHAVALONGA y EL VENTU RUMBERO
Pero cuánto te quiero
Cuánto te adoro
Mi amigo del alma
Nueva idea
Que Dios te bendiga
Yo quiero que mis cantares
Nacido del corazón (bis)
Los acepte como una prueba
De mi amor hacia ti
Y que nunca me olvides
A na na na...
Cuando se pierde un amigo
Qué tristeza, qué dolor
Se queda en el alma
Si hoy te canto a tí
Te diré porque
Yo tuve un amigo fiel,
"Mejoral", y lo perdi
Que me confiava sus penas
Y yo las mias
Era mi amigo
Por la señal de la Santa Cruz
De nuestros enemigos
Líbranos Señor, Amén, Jesús
Coro: Y era mi amigo, y yo lo llevaba
Enregistré par Ramón Alón, au studio de Danny Puga
Reparto Mañana, Guanabacoa, La Habana 1999
Personnel:
MARIO DREKE "CHAVALONGA"
GUILLERMO ESCOLÁSTICO "EL NEGRO" TRIANA
PEDRO CELESTINO "FARIÑAS"
ROMAN DIAZ ANAYA
LAZARO RIZO CUEVAS
MATEO "EL SUIZO" ZEHNDER
"EL MORO"
AVENIDA
JESÚS LORENZO PENALVER "CUSITO"
ORLANDO "EL BAILARIN"
JOSEITO FERNÁNDEZ HERNÁNDEZ
ANGEL VILA
TONITO MARTÍNEZ CÁMPOS
Téléchargez Chavalonga chantant "Cuando se pierde un amigo" ici.
Ibbae ibbae ntonú Mario Dreke Chavalonga

Remercions maintenant Carole Marchand pour ces deux extraits vidéo supplémentaires de Chavalonga:
FILM DE LISA KNAUER: Palo Quimbombó
Dans ce nouveau document, Chavalonga chante "Palo Quimbombó",
la rumba qu'il a enregistré dans le cd "Rapsodia Rumbera", au Parque Tío Tom à Atarés, La Havane, le quartier où il vivait.
On le voit ensuite dans une rumba improvisée avec les petits enfants du quartier d'Atarés.
Voici maintenant le texte de la rumba "Palo Quimbombó":
¡Dió' mambe! - ¡Dió'! (bis)
¡Nsala malekun! - ¡Malekun nsala! (bis)
¡Yo engaño ko jura mi nganga kuna nchila!
¡Yo son bacheche arriba n’toto!
¡Yo son bacheche arriba n’ganga!
¿Qué te pasa a ti? (bis)
Que es como el quimbombó
Que resbala
Pero ponte en tu lugar
Luego ponte a analizar
Que palo quimbombó
No sirve pa' candela
A ma yo e, a ma yo e, arawe arawe (bis)
Palo quimbombó no sirve pa' candela
(merci encore à Guarachón et à Lisa Knauer)