
Dans le panorama discographique actuel de la rumba, si l’on fait un rapide état des lieux des groupes susceptibles d’enregistrer, sait-on bien qui ils sont, et peut-on tenter de les classer? Voici une ébauche de recensement de ce que l’on trouve parmi les disques parus cette dernière décennie:
-Les groupes-phares “historiques”, que sont Los Muñequitos de Matanzas, Conjunto de Clave y Guaguancó, Grupo Yoruba Andabó, Afro-Cuba de Matanzas, et Los Papines.
-Certaines personnalités de la rumba, en tant qu’artistes indépendants, qui produisent depuis peu des albums sous leur nom, tels: “Pancho Quinto” Mora, Gregorio Hernández “El Goyo”, Mario Dreke “Chavalonga”, Pedro Celestino Fariñas, et quelques nouveaux artistes encore inconnus internationalement.
-Des nouveaux groupes jouant un style résolument avant-gardiste, tels: Iroso Obba, ou Rumba Eriera (les deux groupes comportent plus ou moins des mêmes musiciens).
-Des nouvelles formations proposant des “mélanges” et/ou de nouveaux styles, tels: Wemilere (l’accouchement de leur album a été difficile), Awiri Yo (rumba-comparsa) ou (aux USA) Deep Rumba.
-Quelques rares disques américains (où figurent forcément quelques musiciens cubains ayant émigré aux États-Unis depuis plus ou moins longtemps): Montvale Rumba, Rumba in Central Park…
-Quelques groupes cubains régionaux réussissant tant bien que mal à produire un album: Rumbatá (Camagüey), El Folkloyuma (Santiago), Rumberos de Hoy (Santiago)…
-Des enregistrements ethno-musicologiques, produits ça et là dans divers pays occidentaux ou à Cuba.
Janvier 2004Chanteurs invités: (de d à g)
El Goyo, El Nené, El Negro Triana, Martha Galarraga,
Juan de Dios Rámos
(Crédits Photo: Dossier officiel RDC)
En marge de tout ce petit Monde, il existe depuis les années 1990, un certain “noyau” de rumberos havanais qui se regroupent autour d’un producteur, Rodolfo Chacón Tartabull, proche de Tatá Güines et de José Luis Quintana “Changuito”, qui sont tous deux des musiciens très officiels, des stars de la Egrem. Il ne semble pas qu’il n’y ait jamais eu de groupe constitué, ni de personnalité sortant du lot pour regrouper ces musiciens sous son nom - sauf peut-être Tatá Güines.
Cet ensemble de musiciens constitue depuis 1990 ce que l’on pourrait appeler “l’école Rapsodia Rumbera". C’est de ce noyau de musiciens que va naître au début des années 2000 le projet “Rumberos de Cuba”. Nous allons tenter ici d’en citer tous les acteurs.
Première version de la section de percussion de RDC
(Crédits Photo: Dossier officiel RDC)
Rumberos de Cuba n’est pas ce qu'on peut appeler un groupe de guarapachangueo. Il se situe plutôt du côté de la rumba traditionnelle, mais son styke est quand même très actuel. L’utilisation simultanée du cajón et de la tumbadora (pour le joueur de tumbador) est d’emblée une marque de modernité, tout comme la manière particulière de dialoguer au sein du duo: tumbador+tres-dos. Les compositions utilisées par Rumberos de Cuba sont soit anciennes, (Omelé, Flor de Mayo), soit "créatives" (adaptation de la cumbia “El Cafetál”), soit des nouveautés (El Trovador).
Le groupe est composé à la fois d’anciens rumberos traditionalistes (Mario Aspirina) et de jeunes apportant leur nouveau style (Ariel Monteresi). Rumberos de Cuba est donc un savant dosage entre tradition et modernité.
La carte de visite des acteurs du groupe ne peut qu’imposer le respect et placer d’emblée RDC parmi les groupes les plus renommés de l’île. Nous pouvons être certains que d’ici quelques années le groupe aura fait d’avantage parler de lui. La qualité de leur premier album est telle qu’on ne saurait douter de leur avenir.
Le chanteur Ernesto Gatel Cotó “El Gato” a été un personnage central de ce projet, en tant que chanteur principal, et pour avoir assumé à plusieurs reprises le poste de directeur musical du groupe (Voir l’article complet sur Ernesto).
Dans la première version du groupe, les percussionnistes étaient Mario “Aspirina” Jáuregui Francis, Maximino Duquesne, “Marquito” Herminio Diaz, son fils “Yosvani” Diaz, et on y voyait souvent jouer le catá Lázaro Rizo. Les chanteurs du groupe, outre El Gato, étaient: Luis Chacón Mendivel “Aspirina”, Miguel Ángel Mesa Cruz “Aspirina”, Sofía Rámos Morejón, et Pedro Francisco Almeida Berriel “Tatá” (qui travaille simultanément avec Clave y Guaguancó). La danse (et les chœurs dans les parties non-dansées) est assurée par Dionisio Paul Palma et “Aidita” Salina Sánchez.
En 2000 ils enregistrent leur premier album, sorti par la Egrem en 2004: “¿Dónde Andabas Tú, Acerekó?” (Egrem 0600). Ils enregistrent également un magnifique dvd: “Rumbón Tropical”, en invitant en autres Ricardo Gómez “Santa Cruz”.
Ils enregistreront ensuite un second cd (trois titres) avec Tatá Güines et Changuito, dans une formation “rumba-son” en compagnie du trompettiste Julio Padrón, du tresero “El Guajiro” et d'un contrebassiste. Il ont tourné à l'étranger avec cette formule, en tant que groupe accompagneur de Changuito et Tatá (j’ai eu le bonheur de les voir au Festival “Toros y Salsa” de Dax en septembre 2002).
La seconde version du groupe inclura Guillermo Escolástico "El Negro" Triana, Juan de Dios Rámos et surtout Santiago Garzón Rill “Chaguito”, ex-Clave y Guaguancó, qui devient pendant un temps le directeur musical du groupe. Lui aussi a réalisé un beau dvd: “Rumbambeo”.
L’année d’après ils enregistrent un nouvel album, encore inédit, en hommage à Tío Tom. Orlando “Puntilla” Ríos est au cœur du projet. Il s’agit d’un album de huit thèmes de Gonzálo Asencio "Tío Tom", dont: “La China Linda”, “¿Dónde Están los Cubanos?” , “Camina, a Trabajar”, “Siento que me Rengaña el Corazón”, “Como tu Sabes” ou “Tierra Brava”. El Gato écrit également une columbia, qui figure sur le futur cd, appelée simplement: “Tío Tom”. Les chanteurs principaux y sont Puntilla, Miguel Ángel Mesa et El Gato, mais RDC a également invité: El Goyo, Lázaro Rizo, et, (de Grupo Yoruba Andabó) Juan Cámpos Cárdenas “Chán”, Geovani del Pino Rodríguez and Miguel Chapottín Beltrán.
Seconde version de la section de percussion de RDC
(Crédits Photo: Dossier officiel RDC)
Dans les derniers mois de l’année 2004 “Marquito” Diaz meurt après une opération du cœur consécutive à un infarctus, à l’âge de 42 ans. Depuis 1992, il avait formé avec Maximino Duquesne une fameuse “rítmica”, celle qui a enregistré beaucoup d'albums importants des années 1990, dont Rapsodia Rumbera.
En 2005 le groupe change quelque peu de configuration, après la mort de Marquito et le départ de Mario 'Aspirina'.
Entre alors dans le groupe Jesús “Cusito” Lorenzo Peñalver, un des meilleurs jeunes akpwones de La Havane, excellent percussionniste. Cusito a été membre de la compagnie “Raices Profundas” et de “Chavalonga y su Ven Tú”, devenu depuis Wemilere (cd “Santería” Harmonia Mundi).
Le jeune Yosvani Diaz Herrera, le fils de Marquito, a pris une place de plus en plus grande au sein de la section de percussions. Je ne l’ai vu que continuellement progresser entre 2001 et 2004.
Le futur projet de Rumberos de Cuba est un quatrième cd appelé “Habana de mi Corazón”.
Membres (ou ex-membres) de Rumberos de Cuba:
Rodolfo Chacón Tartabull - producteur
Né à Cienfuegos, il entre à la Egrem en 1990. “Songs and Dances” de Conjunto de Clave y Guaguancó est le premier disque qu’il produit.
Il a gagné un “Gran Premio Egrem” en 1995 avec l’album de Tatá Güines et Miguel Anga Diaz “Pasaporte”.
Il a également reçu un “Premier Prix dans la catégorie Musique Traditionnelle et Folklorique” avec l’album de Tatá Güines “Aniversario”.
Il a encore reçu un “Premier Prix du Festival Cubadisco” avec l’album “Guajira con Tumbao”.
Marcos Herminio Diaz Scull “Marquito” - tumbador
Il débute sa carrière comme danseur en 1968 dans la compagnie “Rita Montaner”. Il commencera ensuite à jouer dans divers groupes folkloriques, et intègre le “Conjunto Artístico de las FAR” (Fuerzas Armadas Revolucionarias) dans lequel il restera 10 ans. Il mourra en 2005 des suites d’un problème cardiaque. Il avait été membre du groupe de Tatá Güines, de celui de la Canadienne Jane Bunnett, et de Rapsodia Rumbera.
Yosvani Diaz Herrera - tres/dos
L’un des plus jeunes membres de Rumberos de Cuba. Fils de Marquito. Il a travaillé avec “Iroso Obba” et avec “Awiri Yo”.
Il a joué dans le dernier disque de Miguel Angá Diaz, et dans un projet expérimental mené par Ry Cooder.
(Crédits Photo: Dossier officiel RDC)
Maximino Duquesne Martínez “El Moro Quinto” - percussion
Né le 29 mai 1939 dans le fameux quartier “La Cueva del Humo” à Luyanó, à un endroit nommé “Concha y Fábregas”.
À l’âge de 9 ans il a ensuite déménagé dans le quartier “Las Yaguas”, autre quartier pauvre.
Membre-fondateur du Conjunto Folklórico Nacional en 1961, il a participé dès la fin des années 1940 au fameux groupe “El Coro Folklórico Cubano”. Il a étudié et enseigné tous les types de percussion folklorique, et a toujours été considéré comme un grand rumbero, ainsi que comme un spécialiste du bembé et du güiro.
Il a participé à nombre d’enregistrements légendaires, et a pris part lui aussi au projet de la Canadienne Jane Bunnett.
Santiago Garzón Rill “Chaguito” - percussion et chant
Né a Guantánamo, il a commencé sa carrière de musicien dans les groupes de Changüí. Après son départ pour La Havane il entre dans le Conjunto de Clave y Guaguancó, où il est resté six ans.
Il est également auteur de rumba, et a assumé pendant quelques temps le rôle de Directeur Musical des Rumberos de Cuba.
On peut trouver son dvd “Rumbambeo” sur:
www.earthcds.com/caribbean/cuba/cuba-rumbambeo.shtml
Ariel Monteresi - chant
Souvent présenté comme un “protégé” et/ou "fils spirituel" de Juan de Dios Rámos “El Colo”, avec qui il commence à travailler à l’âge de 12 ans. Il a été membre de groupes “Ébano”, de “Obba Ilú” (dirigé par "El Goyo"), et de “Clave y Guaguancó”.
Il a travaillé pendant un an en Italie au “Cabaret Tropicana di Roma”.
Il est devenu célèbre à La Havane avec sa rumba “Dile que Yo Soy tu Tío”.
Dionisio Paul Palma - danseur
Diplômé de la ENA en 1982, il est entré au “Conjunto Folklórico Nacional”, avec lequel il travaille encore, avec le titre de “Primer Bailarin Solista”, et de professeur.
Sofía Rámos Morejón - chant
Elle commence sa carrière dans la musique folklorique en 1994, dans le groupe féminin “Iyá Aché”, avec lequel elle travaille pendant 7 ans. Comme beaucoup de chanteuses dans la rumba, son rôle est de chanter le yambú.
Aida Salina Sánchez “Aidita” - danse & chœurs
Dès son plus jeune âge, elle a dansé sur scène avec des artistes tels que Merceditas Valdés ou Celina González. Elle a travaillé au sein de Raices Profundas, et de “Havana Night”. Elle a également dansé avec le Conjunto Rumbavana ou avec Jane Bunnett.
“Los tres Aspirinas”:
Cette grande famille de rumberos de Guanabacoa a eu de nombreux membres, dont beaucoup sont morts, et dont beaucoup de jeunes petits-fils et neveux perpétuent la tradition de folklore. Le nom de “Aspirina” vient d’un frère aîné de Mario Jáuregui, Pedro, souvent victimes de terribles maux de dents, et devenu célèbre pour soigner ses douleurs en gardant pendant des heures contre sa dent malade des cachets d’aspirine. On lui donna donc naturellement le surnom de “Aspirina” qu’on attribua ensuite à toute la famille.
Né le 22 juillet 1932, Mario est considéré comme l’un des plus grands quinteros de Cuba, avec Jesús Alfonso de Matanzas. À l’âge de 9 ans il commence à étudier les batá avec Pablo Roche, et on dit de lui qu’il apprend plus rapidement que tous les autres. Il commença à jouer dans les cérémonies alors qu’il était encore un enfant. Il dit lui-même avoir joué le quinto dans “El Vive Bien” d’Alberto Zayas, premier album de rumba enregistré à Cuba, mais il ne figure pas dans les crédits du disque.
Membre-fondateur du Conjunto Folklórico Nacional en 1961, en tant que danseur.
Il est assurément le gardien de la tradition des vieus styles de rumba et des batá de La Havane.
Il est un des toous-derniers élèves de Pablo Roche encore en vie avec Chachá Vega (Pancho Quinto venant de disparaître. De plus, au contraire de Pancho Quinto, qui “inventa” beaucoup de choses dans la rumba comme dans les batá, Mario n’a jamais changé une ligne de son style, appris avec “les rumberos de la Historia” et avec Pablo Roche.
C’est un petit homme, discret et tranquille, qui se garde en parfaite condition physique. Le musicien nantais Karim Ammour est actuellement en train d’écrire un ouvrage sur Mario.
Miguel Ángel “Aspirina” Mesa Cruz “El Caballero de la rumba” - chant
Un des plus vieux chanteurs de La Havane. Il est le champion incontesté de la columbia (45 minutes). El Goyo dit de lui que ce nouvel Aspirina a été une source d’inspiration pour lui.
Membre de Conjunto de Clave y Guaguancó après sa re-formation, comme en témoigne l’extrait du fabuleux documentaire de 1967 “Y Tenemos Sabor” visible grâce à Guarachón sur ce site.
Miguel Ángel "ouvre" le disque “Rapsodia Rumbera” avec sa fameuse chanson “Miguel Ángel el Divertido”. Il a travaillé pendant des années au cabaret Tropicana.
Il est la parfaite incarnation du rumbero autodidacte, et a travaillé en de nombreuses occasions avec des légendes de la rumba havanaise, comme Agustín Pina “Flor de Amor” ou Odilio Urfé.
Luis Chacón “Aspirina” Mendivel - percussion, chant et danse
Il est un peu plus jeune que les deux précédents. Luis a été directeur de nombreux groupes à partir des années 1960. Il chante, danse et joue les tambours, le tout avec une incroyable énergie. Musicien de la Orquesta Jorrín, il a été lui aussi membre-fondateur du Conjunto Folklórico Nacional. En 1964 il fonde son propre groupe, Sicamalié. Rumberos de Cuba a produit le cd “¿Dónde Andabas Tú, Acerekó?” qu’on peut trouver sur:
www.egrem.com.cu/catalogo/undisco.asp?codigo=CD-0600
www.descarga.com/cgi-bin/db/20747.10?yteNAN7v;;340
www.mostwanted-online.nl/shop/catalog/ et un remarquable dvd, “Rumbón Tropical”, qu’on peut trouver sur:
www.boogalu.com/generic121.html
www.earthcds.com/caribbean/cuba/cuba-rumbon.shtml
www.descarga.com/cgi-bin/db/20667.20?yteNAN7v;;403