vendredi 8 décembre 2006

Ernest Gatel "El Gato Maravilloso"

(photo tirée du dossier officiel de Rumberos de Cuba)

Né le 16 septembre 1946, Rogelio Ernesto Gatel Cotó “El Gato maravilloso” vient d'avoir 60 ans. Son anniversaire de Saint aura lieu le 20 décembre 2006. Il est un des rares musiciens blancs à s’être imposé dans le monde de la rumba.
Né à Santos Suárez, La Havane, il est revenu vivre aujourd'hui dans ce même quartier. Sa modeste famille a très tôt déménagé à Regla, de l’autre côté de la baie. Regla (patrie du premier “plante” abakuá) et Guanabacoa ont toujours été considérés comme les quartiers les plus “africains” de La Havane. La famille d’Ernesto était la seule famille blanche du solar dans lequel ils vivaient, et Ernesto a d'emblée souffert du racisme des noirs envers les blancs. Jeune garçon, il commença la percussion, comme un passe-temps, sur une vieille tumbadora. Il rejoindra plus tard la comparsa “Los Guaracheros de Regla”. C'est alors qu'il décide d’étudier plus sérieusement, et qu'il apprend à jouer tous les styles folkloriques de La Havane (rumba, abakuá, arará, bembé, güiro…) à l’exception des tambours batá, qu’il n’étudie pas de façon appronfondie. Il a toujours considéré l’étude des batá comme un travail gigantesque (et c'est bien la réalité). Il joue parfois okónkolo sur scène ou ailleurs, quand il manque un percussionniste. Ses professeurs sont tous des percussionnistes célèbres, avec qui il travaillera ensuite comme chanteur: il cite Maximino Duquesne Martínez “El Moro Quinto”, Luis Chacón “Aspirina” Mendivel et “Pancho Kinto” Mora, entre autres.

(photo par Pascal Gouy "El Chévere" prise devant la maison d'Ernesto. De g à d debout: Yosvani Diaz, Ernesto, Lázaro Rizo, Aidita… Aux percussions de g à d: Marquito, Mario "Aspirina", Maximino Duquesne)

À l’âge de 42 ans, en 1988, Ernesto devient enfin percussionniste professionnel. En 1990 il intègre le plus ancien groupe de rumba de Cuba, Conjunto de Clave y Guaguancó, avec qui il va rester trois ans. Amado Dedeu, déjà directeur de CyG à cette époque, lui demande alors de chanter quelques rumbas, car il manquait au groupe un chanteur. À cette époque, les membres du Conjunto Clave y Guaguancó étaient:
-la défunte "Amelita Pedroso" (nièce de l’akpwón Lázaro Pedroso “Ogún Tola”), grande spécialiste du yoruba,
-“Lalí” González Brito, percussionniste (Ernesto et lui sont tous deux blancs, et portaient la barbe à cette époque),
-Pedro Lugo Martínez “El Nené”, incroyable chanteur à l’aise dans trois styles: Le Son, le Yoruba (Abbilona), et la Rumba (Rapsodia Rumbera).
-José (del) Pilar Suárez, chanteur et percussionniste, et
-Alejandro Publes, célèbre percussionniste qui a disparu en 1991.
Tous ensemble, ils ont enregistré en novembre 1990 le premier album de Conjunto de Clave y Guaguancó: “Songs & Dances” ou “Cantaremos y Bailaremos” (Xenophile GLCD 4023). Cet album est le premier disque de “guarapachangueo” jamais enregistré, après la révolution qu'a connue la rumba, générée par l'explosion de ce nouveau style dans les années 1980, inventé par “Los Chinitos” de San Miguel del Padrón. Los Chinitos créèrent le guarapachangueo dans les “Cajones al Muerto” (cérémonies spiritistes) avec seulement deux joueurs de cajón, ainsi que des nouvelles formes de cajones. Bien distribué, l’album “Songs & Dances” est maintenant connu dans le Monde entier. Le producteur cubain du disque, Rodolfó Chacón Tartabull, après de multiples projets couronnés de succès, deviendra directeur administratif de Rumberos de Cuba, le nouveau groupe-phare d’Ernesto.

En 1992 Ernesto entre dans le groupe de Aritides Sotó “Tatá Güines”, avec lequel il part en tournée au Japon, puis au Mexique, au Venezuela et en République Dominicaine. Dans ce groupe figuraient déjà Maximino Duquesne “El Moro Quinto” et Marcos Herminio Diaz Scull “Marquito”. Ces deux-là suivront Ernesto jusqu’à la création of Rumberos de Cuba, et à la mort de Marquito en 2005. Ils enregistrent en 1995 “Aniversario” (Egrem 0156), où figurent: Pedro Lugo Martínez “El Nené”; Lázaro Rizo Cuevas (un chanteur qui joue tous les “palitos” dans les meilleurs disques de rumba des années 1990 et 2000), et un Gregorio “El Goyo” Hernández au sommet de son art. Le producteur de ce disque est encore une fois Rodolfo Chacón.


En 1993 Ernesto chante dans “Rapsodia Rumbera” (Egrem 0121), peut-être le meilleur disque de rumba havanaise jamais enregistré. Sur la photo de la pochette on peut reconnaître de g à d et de h en b: Gregorio "El Goyo" Hernández, Ricardo Gómez Santa Cruz, Mario Dreke "Chavalonga", Amado Dedeu, (on distingue ensuite à peine Marquito et Maximino Duquesne), et un Ernesto Gatel barbu.
Marquito et Maximino jouent le tres-dos et le tumbador, et les meilleurs quinteros de La Havane viennent improviser sur ce tapis: Mario Jauregui “Aspirina” (4 morceaux), Tatá Güines (3 morceaux), Pancho Quinto (1 morceau), Amado Dedeu (1 morceau) et… Pedro Lugo “El Nené”! (1 morceau). La section vocale de Rapsodia Rumbera constitue un “All-stars” en elle-même: Miguel Ángel “Aspirina” Mesa Cruz (recordman de la columbia - 45 mns); Ernesto Gatel; Pedro Lugo “El Nené”; Juan de Dios Rámos “El Colo”; Ricardo Gómez “Santa Cruz”; Mario Dreke “Chavalonga”; Amado Dedeu, avec Gregorio Hernández “El Goyo” dans le rôle de directeur du coro. Ernesto y chante seulement le thème de “El Yerbero”, à deux voies avec "El Nené". Rapsodia Rumbera tournera en France, grâce à un projet mené de Nantes par Olivier “Doudou” Congar et Karim Ammour.


En 1997, Ernesto pris part au projet “Afrekete - Iyabakuá” (Pan Records CD2078) dont le directeur musical est Javier Cámpos Martínez “Javierito”, avec Pancho Kinto, José Pilar, Maximino Duquesne, le petit Eric Michael Herrera Duarte “Lucumí”, Lázaro Rizo et Marta Gallarraga (fille du célèbre akpwón Lázaro Gallarraga).
En 1998 El Gato entre au sein du groupe d’El Goyo, “Obá Ilú”, avec lequel il enregistre le LP “Santería” (Soul Jazz Records CD38), avec “Pedrito” Martínez Cámpos (rien à voir avec Javierito), Marta Galarraga, Maximino Duquesne, Lázaro Rizo, Ricardo Gómez “Santa Cruz”, Mario “Aspirina” Jauregui, et un des fils de Goyo: Lázaro Hernández Junco. À cette époque Ernesto rejoint également le Conjunto Folkórico Nacional comme chanteur soliste.
Cette même année il rejoint la formation de la saxophoniste (et flûtiste) canadienne Jane Bunnett “Spirits of Havana”, enregistrant avec elle trois albums et un dvd. Le premier cd sera “Chamalongo”,
le second: “Ritmo más Soul” (que je considère un des meilleurs albums de latin jazz de tous les temps), et le troisième: “Cuban Odissey” (2002). “Cuban Odissey” a été enregistré un peu partout à Cuba, avec des musiciens de chaque ville visitée par Jane Bunnett, tels que les Muñequitos de Matanzas, Grupo Vocal Decendann de Camagüey, Los Naranjos de Cienfuegos, etc… The dvd porte le même nom que le cd (“Cuban Odissey”) et contient le même programme. Il a été partiellement filmé dans la maison d’Ernesto à Santos Suárez, “frente al cine Mara”. Tous les rumberos de La Havane connaissent la bonne acoustique de la pièce principale de cette maison - c’est l’endroit où répètent Rumberos de Cuba.


Ernesto participe à un 8ème album en 2002. Il s’agit du projet dirigé par Orlando “Puntilla” Ríos - qu’Ernesto considère son père spirituel - appelé “Cuando los Espíritus Bailan Mambo”. Ce projet est lié à un film du même nom (voir http://www.whenthespiritsdancemambo.org/index.html). Ce double album comprend quatre groupes: “Los Egun Hablan”, “Conjunto de Clave y Guaguancó”, “Grupo Yoruba Andabó” et une charanga renommée qui joue ici dans le style dit “Violín a los Orichas”: La Orquesta Estrellas Cubanas.
Le groupe appelé “Los Egun Hablan” constitue le premier maillon discographique de ce qui deviendra ensuite “Rumberos de Cuba”. Dans le disque de Puntilla, et sous sa direction, Los Egun Hablan sont: Ernesto Gatel, Lázaro Rizo, Guillermo Escolástico “El Negro” Triana, Santiago Garzón Rill “Chaguito”, Luis Chacón “Aspirina”, “Aidita” Salina Sánchez - danseuse et choriste, “Lucumí”, Reynaldo Delgado Salerno “Flecha” (célèbre batalero et chanteur, jouant iyá dans toute la série de cds de Lázaro Ros “Oricha Ayé”, ayant ensuite émigré à Genève), et ceux qui deviendront la section de percussion de Rumberos de Cuba: les désormais inséparables Marquito Diaz (tumbador) et Maximino Duquesne (tres-dos ou quinto), plus Mario “Aspirina” Jauregui (quinto), et Yiovani Diaz (fils de Marquito), qui peut jouer aussi bien le tumbador que le tres-dos.
Le projet actuel d’Ernesto Gatell est son propre groupe, Rumberos de Cuba, dont Rodolfo Chacón est producteur. Ce groupe, sur lequel nous ferons prochaînement un long article, a enregistré à l’heure actuelle quatre cds. Le premier est paru chez Egrem. Il s’agit de “¿Donde Andabas Tú, Acerekó?”. Ils ont également produit un dvd, “Rumbón Tropical”, qui est en vente dans nos liens favoris. Trois autres albums sont pour l’instant inédités:
-un cd de trois titres avec Tatá Güines et José Luis Quintana “Changuito”,
-un cd en hommage à Tío Tom (dirigé à nouveau par Puntilla?), et
-un tout dernier album enregistré il y a peu avec la nouvelle formation du groupe (la mort de Marquito et le départ de Mario Aspirina ayant quelque peu bouleversé la section rythmique).



Ernesto (à gauche) à l'anniversaire d'Orlando Puntilla, La Havane 2004
(Photo Credit: Patricio)


Ernesto Gatell est également depuis 1999 professeur sur les stages organisés à Santos Suárez par Trempolino et Olivier “Doudou” Congar, de Nantes, et dont au moins deux ont un agrément AFDAS (musique yoruba et musique populaire), ce qui permet aux intermittents du spectacle de partir étudier à moindre frais. Il reste d’ailleurs quelques places sur les stages de 2007. Contactez Trempolino à Nantes au 02.40.46.66.55 qui vous aiguillera ensuite sur l’Afdas de Rennes. Pour monter un dossier il suffit de témoigner d’au minimum 48 attestations de Congés-Spectacles (ou du "guichet unique") sur deux ans (24 par an). Les frais du stage se montent en tout à environ 250 euros pour 12 jours de stage tout compris (voyage, hébergement, nourriture, cours). J’ai eu la chance de faire partie de deux de ces stages en musique yoruba, et je peux vous affirmer qu’ils comptent parmis mes meilleurs séjours à Cuba.