Ce blog est le fruit d'une collaboration entre Barry Cox aux USA et Patrice Banchereau en France. Antoine Miniconi, étudiant en percussion pendant cinq ans à La Havane, est également un informateur de premier plan: en quelque sorte "Our Man in Havana". D'autres partenaires à Cuba, à New York et à San Francisco collaborent avec nous. Ce blog constitue également une version française du blog esquinarumbera.blogspot.com tenu en anglais par Barry Cox. Le site en français sur lequel vous êtes possède une seconde page, dédiée spécifiquement à l'afrocubain: echuaye.blogspot.com, également co-écrite par les deux bloggers. N'hésitez pas à cliquer sur les photos pour en obtenir des versions agrandies!
mixage de la nouvelle maquette du Solar de los Seis
au studio du Septeto Nal., avenida de Italia, juillet 2011)
Amado Dedeu García, le directeur du doyen des orchestres de rumba de Cuba: Conjunto de Clave y Guaguancó, et son fils Amadito, de plus en plus impliqué dans la direction de groupe, ont monté un nouveau projet qui pourrait bien supplanter l'ancien, surtout après la récente disparition de Mario 'Maño' Rodríguez Pedroso au Venezuela, ancien pilier de Clave y Guaguancó.
'La rumba no es como ayer' dit le dicton de la rue, nous avons pu constater les récentes évolutions de cette musique, après deux influences majeures - hormis le guarapachangueo issu des Chinitos: la vague de la Timba dans les années 1990 et celle du reggaetón dans les années 2000. Et Dieu sait si - même si à notre goût il s'agit d'une dérive - ces deux styles ont marqué la rumba actuelle, de telle manière qu'il est difficile de leur échapper tant leur empreinte est forte. Cette nouvelle vague de la rumba s'accompagne de la disparition d'une génération de rumberos prestigieux dont il ne reste plus que quelques uns, qui, dans leur orchestre respectif, sont poussés sur la touche par une nouvelle génération qui a définitivement pris le pouvoir. On peut regretter - et c'est notre cas - de ne plus voir Maximino Duquesne jouer un tambour dans Rumberos de Cuba ou Palito jouer le quinto dans Yoruba Andabo: les styles de ces deux groupes ont radicalement changé au cours des dernières années. Si notre constat est amer c'est, on l'aura compris, que nous restons attachés à un style de guaguancó apparemment déjà disparu, où l'on distingue deux parties, entre le thème dans lequel la percussion accompagne le chanteur, et l'estribillo où elle accompagne la danse. Il est de nos jours plus difficile à un chanteur de s'exprimer dans une relation saine avec le quinto tant celui-ci joue de son côté, sans respecter le chant. Nous avons de nombreuses fois constaté une tension dans ce rapport qui semble s'exacerber de plus en plus chaque jour. Quand au reste de la percussion, elle prend de plus en plus de place, et dans la première partie du guaguancó on peut déjà constater un nombre impressionnant de conversations entre tres-dos et tumbador qui ajoute encore à la disparition progressive du territoire occupé par le chanteur. Certains chanteurs - et non des moindres - que nous ne citerons pas pour ne pas alimenter de polémique, nous ont même confessé chanter délibérément 'en arrière' pour forcer le quintero à les écouter, et ainsi perturber en retour celui-ci. L'augmentation de la vitesse du guaguancó modifie également la danse, et certains diront: "on incorpore de plus en plus de pas 'de santo' dans la danse car le guaguancó est trop rapide pour les danseurs". On crée de nouveaux rythmes inventés pour des tempos lents 'de reggaetón'. Le public se déchaîne, chante les refrains au accents hip-hop, exactement comme si sur scène on avait Los Van Van ou un autre groupe actuel.
Parmi cette vague plus ou moins inconsistante de groupes surfant sur la vague actuelle, il est un groupe qui semble se distinguer: curieusement, son chanteur se nomme Rubén et il porte le nom de Solar de los Seis, mais apparemment c'est sans rapport avec le célèbre Rubén Blades. Vous pourrez jugez par vous-même de la musicalité de ce groupe en visionnant les videos qui suivent:
(estas videos son de http://www.viadanza.com/)
(videos de atticchris)
Raúl González Brito 'Lali' est également fortement impliqué dans le Solar de los Seis pour avoir composé quatre des rumbas qui font partie de leur répertoire nouvellement enregistré - espérons que la sortie prochaine d'un album viendra souligner ce projet.
Le personnel du Solar de los Seis:
Un fait nous paraît particulièrement appréciable dans ce groupe: les voix. Tous les joueurs de tambour chantent, et le pupitre des chanteurs est particulièrement relevé.
Amadito Dedeu (photo: Thiebauld Ben Lahoussine) - tumbador et chant.
Le jeu d'Amadito, très libre, est résolument moderne. Il utilise de plus en plus des instruments nouveaux, car il s'intéresse à la percussion brésilienne: pandeiro, berimbau, etc… Il incorpore à son set de deux tambours une jícara, un grand tambour d'eau à sa gauche, dans un seau - ou plutôt une palangana.
Fredy Valdés Martínez (photo: Amado Dedeu) - tres-dos et chant.
Ancien membre de Yoruba Andabo, joueur de tambours batá émérite et disciple de Pancho Kinto, tamborero havanais de renom.
Adonis 'Pantera' Andrés (photo: Thiebauld Ben Lahoussine) - quinto et chant.
Sans doute LA star actuelle du quinto moderne havanais, dont les vidéos d'attichris sur youtube ont certainement déjà popularisé la renommée dans le monde entier.
Rubén Burnes García (photo: Thiebauld Ben Lahoussine) - chant lead.
Un chanteur de Santo remarquable - disent beaucoup de gens dans La Havane - et blanc, ce qui est relativement rare. Doté d'une voix et d'une énergie hors du commun.
Damaris Driggs (photo: Thiebauld Ben Lahoussine) - chant lead.
Une chanteuse étonnante, que nous avons pu apprécier dans un magnifique yambú - style souvent réservé aux femmes dans la rumba.
Deux autres membres complètent l'orchestre: Yamile Sardiñas au chant et à la danse, et Vladimir Silvio Quevedo Armenteros au catá et à la danse, un des danseurs les plus en vue dans la capitale, déjà vu maintes fois dans de nombreux groupes dont Yoruba Andabo.
Certes, Yoruba Andabo reste le plus populaire de tous les groupes, mais il vit sur sa renommée passée. Si la foule est considérable à tous ses concerts et si la folie délirante de ce public est réellement étonnante, il n'a plus rien à voir avec ce qui correspond - à notre avis - à sa grande période, celle où l'on y voyait Pancho Kinto, El Chori, Palito, Chapottín et consorts. Certains diront que c'est l'évolution normale de toute musique, et que - bon gré mal gré - les choses se transforment et ne seront plus jamais comme hier, et qu'il ne sert à rien de le regretter. Nous aimerions, en guise de conclusion, rendre hommage à un autre petit groupe - Los Diablos - que l'on voit sur la vidéo qui suit en répétition chez Lali, et où évoluent Rubén Burnes et Adonis Pantera au chant et au catá. Car malgré tout il existe encore des jeunes qui, quand ils jouent une rumba, respectent la chanson et les chanteurs, et savent faire monter l'énergie sans 'lâcher les chevaux' dès les premières mesures de la clave, et à notre avis ceux-là font partie de cette catégorie à notre avis bien trop rare dans la rumba cubaine.
(video de atticchris)
Remerciements à Amado Dedeu, à Thiebauld Ben Lahoussine, à Lali González Brito et aux musiciens du Solar de los Seis pour leur gentillesse…