lundi 11 décembre 2006

Rumberos de Cuba: Modernité & Tradition

(Crédits Photo: Patricio)


Dans le panorama discographique actuel de la rumba, si l’on fait un rapide état des lieux des groupes susceptibles d’enregistrer, sait-on bien qui ils sont, et peut-on tenter de les classer? Voici une ébauche de recensement de ce que l’on trouve parmi les disques parus cette dernière décennie:
-Les groupes-phares “historiques”, que sont Los Muñequitos de Matanzas, Conjunto de Clave y Guaguancó, Grupo Yoruba Andabó, Afro-Cuba de Matanzas, et Los Papines.
-Certaines personnalités de la rumba, en tant qu’artistes indépendants, qui produisent depuis peu des albums sous leur nom, tels: “Pancho Quinto” Mora, Gregorio Hernández “El Goyo”, Mario Dreke “Chavalonga”, Pedro Celestino Fariñas, et quelques nouveaux artistes encore inconnus internationalement.
-Des nouveaux groupes jouant un style résolument avant-gardiste, tels: Iroso Obba, ou Rumba Eriera (les deux groupes comportent plus ou moins des mêmes musiciens).
-Des nouvelles formations proposant des “mélanges” et/ou de nouveaux styles, tels: Wemilere (l’accouchement de leur album a été difficile), Awiri Yo (rumba-comparsa) ou (aux USA) Deep Rumba.
-Quelques rares disques américains (où figurent forcément quelques musiciens cubains ayant émigré aux États-Unis depuis plus ou moins longtemps): Montvale Rumba, Rumba in Central Park…
-Quelques groupes cubains régionaux réussissant tant bien que mal à produire un album: Rumbatá (Camagüey), El Folkloyuma (Santiago), Rumberos de Hoy (Santiago)…
-Des enregistrements ethno-musicologiques, produits ça et là dans divers pays occidentaux ou à Cuba.

Rumberos de Cuba en Casa de la Música de Miramar
Janvier 2004
Chanteurs invités: (de d à g)
El Goyo, El Nené, El Negro Triana, Martha Galarraga,
Juan de Dios Rámos
(Crédits Photo: Dossier officiel RDC)


En marge de tout ce petit Monde, il existe depuis les années 1990, un certain “noyau” de rumberos havanais qui se regroupent autour d’un producteur, Rodolfo Chacón Tartabull, proche de Tatá Güines et de José Luis Quintana “Changuito”, qui sont tous deux des musiciens très officiels, des stars de la Egrem. Il ne semble pas qu’il n’y ait jamais eu de groupe constitué, ni de personnalité sortant du lot pour regrouper ces musiciens sous son nom - sauf peut-être Tatá Güines.
Cet ensemble de musiciens constitue depuis 1990 ce que l’on pourrait appeler “l’école Rapsodia Rumbera". C’est de ce noyau de musiciens que va naître au début des années 2000 le projet “Rumberos de Cuba”. Nous allons tenter ici d’en citer tous les acteurs.

Maximino Duquesne, Mario "Aspirina" Jáuregui, "Marquito" Diaz
Première version de la section de percussion de RDC
(Crédits Photo: Dossier officiel RDC)


Rumberos de Cuba n’est pas ce qu'on peut appeler un groupe de guarapachangueo. Il se situe plutôt du côté de la rumba traditionnelle, mais son styke est quand même très actuel. L’utilisation simultanée du cajón et de la tumbadora (pour le joueur de tumbador) est d’emblée une marque de modernité, tout comme la manière particulière de dialoguer au sein du duo: tumbador+tres-dos. Les compositions utilisées par Rumberos de Cuba sont soit anciennes, (Omelé, Flor de Mayo), soit "créatives" (adaptation de la cumbia “El Cafetál”), soit des nouveautés (El Trovador).
Le groupe est composé à la fois d’anciens rumberos traditionalistes (Mario Aspirina) et de jeunes apportant leur nouveau style (Ariel Monteresi). Rumberos de Cuba est donc un savant dosage entre tradition et modernité.
La carte de visite des acteurs du groupe ne peut qu’imposer le respect et placer d’emblée RDC parmi les groupes les plus renommés de l’île. Nous pouvons être certains que d’ici quelques années le groupe aura fait d’avantage parler de lui. La qualité de leur premier album est telle qu’on ne saurait douter de leur avenir.

(Crédits Photo: Dossier officiel RDC)


Le chanteur Ernesto Gatel Cotó “El Gato” a été un personnage central de ce projet, en tant que chanteur principal, et pour avoir assumé à plusieurs reprises le poste de directeur musical du groupe (Voir l’article complet sur Ernesto).
Dans la première version du groupe, les percussionnistes étaient Mario “Aspirina” Jáuregui Francis, Maximino Duquesne, “Marquito” Herminio Diaz, son fils “Yosvani” Diaz, et on y voyait souvent jouer le catá Lázaro Rizo. Les chanteurs du groupe, outre El Gato, étaient: Luis Chacón Mendivel “Aspirina”, Miguel Ángel Mesa Cruz “Aspirina”, Sofía Rámos Morejón, et Pedro Francisco Almeida Berriel “Tatá” (qui travaille simultanément avec Clave y Guaguancó). La danse (et les chœurs dans les parties non-dansées) est assurée par Dionisio Paul Palma et “Aidita” Salina Sánchez.
En 2000 ils enregistrent leur premier album, sorti par la Egrem en 2004: “¿Dónde Andabas Tú, Acerekó?” (Egrem 0600). Ils enregistrent également un magnifique dvd: “Rumbón Tropical”, en invitant en autres Ricardo Gómez “Santa Cruz”.

(Crédits Photo: Dossier officiel RDC)


Ils enregistreront ensuite un second cd (trois titres) avec Tatá Güines et Changuito, dans une formation “rumba-son” en compagnie du trompettiste Julio Padrón, du tresero “El Guajiro” et d'un contrebassiste. Il ont tourné à l'étranger avec cette formule, en tant que groupe accompagneur de Changuito et Tatá (j’ai eu le bonheur de les voir au Festival “Toros y Salsa” de Dax en septembre 2002).
La seconde version du groupe inclura Guillermo Escolástico "El Negro" Triana, Juan de Dios Rámos et surtout Santiago Garzón Rill “Chaguito”, ex-Clave y Guaguancó, qui devient pendant un temps le directeur musical du groupe. Lui aussi a réalisé un beau dvd: “Rumbambeo”.
L’année d’après ils enregistrent un nouvel album, encore inédit, en hommage à Tío Tom. Orlando “Puntilla” Ríos est au cœur du projet. Il s’agit d’un album de huit thèmes de Gonzálo Asencio "Tío Tom", dont: “La China Linda”, “¿Dónde Están los Cubanos?” , “Camina, a Trabajar”, “Siento que me Rengaña el Corazón”, “Como tu Sabes” ou “Tierra Brava”. El Gato écrit également une columbia, qui figure sur le futur cd, appelée simplement: “Tío Tom”. Les chanteurs principaux y sont Puntilla, Miguel Ángel Mesa et El Gato, mais RDC a également invité: El Goyo, Lázaro Rizo, et, (de Grupo Yoruba Andabó) Juan Cámpos Cárdenas “Chán”, Geovani del Pino Rodríguez and Miguel Chapottín Beltrán.

Yosvani Diaz, Maximino Duquesne, "Marquito" Diaz
Seconde version de la section de percussion de RDC
(Crédits Photo: Dossier officiel RDC)


Dans les derniers mois de l’année 2004 “Marquito” Diaz meurt après une opération du cœur consécutive à un infarctus, à l’âge de 42 ans. Depuis 1992, il avait formé avec Maximino Duquesne une fameuse “rítmica”, celle qui a enregistré beaucoup d'albums importants des années 1990, dont Rapsodia Rumbera.
En 2005 le groupe change quelque peu de configuration, après la mort de Marquito et le départ de Mario 'Aspirina'.
Entre alors dans le groupe Jesús “Cusito” Lorenzo Peñalver, un des meilleurs jeunes akpwones de La Havane, excellent percussionniste. Cusito a été membre de la compagnie “Raices Profundas” et de “Chavalonga y su Ven Tú”, devenu depuis Wemilere (cd “Santería” Harmonia Mundi).
Le jeune Yosvani Diaz Herrera, le fils de Marquito, a pris une place de plus en plus grande au sein de la section de percussions. Je ne l’ai vu que continuellement progresser entre 2001 et 2004.
Le futur projet de Rumberos de Cuba est un quatrième cd appelé “Habana de mi Corazón”.

Membres (ou ex-membres) de Rumberos de Cuba:

(Crédits Photo: Dossier officiel RDC)


Rodolfo Chacón Tartabull - producteur
Né à Cienfuegos, il entre à la Egrem en 1990. “Songs and Dances” de Conjunto de Clave y Guaguancó est le premier disque qu’il produit.
Il a gagné un “Gran Premio Egrem” en 1995 avec l’album de Tatá Güines et Miguel Anga Diaz “Pasaporte”.
Il a également reçu un “Premier Prix dans la catégorie Musique Traditionnelle et Folklorique” avec l’album de Tatá Güines “Aniversario”.
Il a encore reçu un “Premier Prix du Festival Cubadisco” avec l’album “Guajira con Tumbao”.

(Crédits Photo: Dossier officiel RDC)


Marcos Herminio Diaz Scull “Marquito” - tumbador
Il débute sa carrière comme danseur en 1968 dans la compagnie “Rita Montaner”. Il commencera ensuite à jouer dans divers groupes folkloriques, et intègre le “Conjunto Artístico de las FAR” (Fuerzas Armadas Revolucionarias) dans lequel il restera 10 ans. Il mourra en 2005 des suites d’un problème cardiaque. Il avait été membre du groupe de Tatá Güines, de celui de la Canadienne Jane Bunnett, et de Rapsodia Rumbera.

(Crédits Photo: Richard Housset)


Yosvani Diaz Herrera - tres/dos
L’un des plus jeunes membres de Rumberos de Cuba. Fils de Marquito. Il a travaillé avec “Iroso Obba” et avec “Awiri Yo”.
Il a joué dans le dernier disque de Miguel Angá Diaz, et dans un projet expérimental mené par Ry Cooder.

Yosvani Diaz & Maximino Duquesne au Palenque
(Crédits Photo: Dossier officiel RDC)


Maximino Duquesne Martínez “El Moro Quinto” - percussion
Né le 29 mai 1939 dans le fameux quartier “La Cueva del Humo” à Luyanó, à un endroit nommé “Concha y Fábregas”.
À l’âge de 9 ans il a ensuite déménagé dans le quartier “Las Yaguas”, autre quartier pauvre.
Membre-fondateur du Conjunto Folklórico Nacional en 1961, il a participé dès la fin des années 1940 au fameux groupe “El Coro Folklórico Cubano”. Il a étudié et enseigné tous les types de percussion folklorique, et a toujours été considéré comme un grand rumbero, ainsi que comme un spécialiste du bembé et du güiro.
Il a participé à nombre d’enregistrements légendaires, et a pris part lui aussi au projet de la Canadienne Jane Bunnett.

(Crédits Photo: Dossier officiel RDC)


Santiago Garzón Rill “Chaguito” - percussion et chant
Né a Guantánamo, il a commencé sa carrière de musicien dans les groupes de Changüí. Après son départ pour La Havane il entre dans le Conjunto de Clave y Guaguancó, où il est resté six ans.
Il est également auteur de rumba, et a assumé pendant quelques temps le rôle de Directeur Musical des Rumberos de Cuba.
On peut trouver son dvd “Rumbambeo” sur:
www.earthcds.com/caribbean/cuba/cuba-rumbambeo.shtml

(Crédits Photo: Dossier officiel RDC)


Ariel Monteresi - chant
Souvent présenté comme un “protégé” et/ou "fils spirituel" de Juan de Dios Rámos “El Colo”, avec qui il commence à travailler à l’âge de 12 ans. Il a été membre de groupes “Ébano”, de “Obba Ilú” (dirigé par "El Goyo"), et de “Clave y Guaguancó”.
Il a travaillé pendant un an en Italie au “Cabaret Tropicana di Roma”.
Il est devenu célèbre à La Havane avec sa rumba “Dile que Yo Soy tu Tío”.

(Crédits Photo: Dossier officiel RDC)


Dionisio Paul Palma - danseur
Diplômé de la ENA en 1982, il est entré au “Conjunto Folklórico Nacional”, avec lequel il travaille encore, avec le titre de “Primer Bailarin Solista”, et de professeur.

(Crédits Photo: Dossier officiel RDC)


Sofía Rámos Morejón - chant
Elle commence sa carrière dans la musique folklorique en 1994, dans le groupe féminin “Iyá Aché”, avec lequel elle travaille pendant 7 ans. Comme beaucoup de chanteuses dans la rumba, son rôle est de chanter le yambú.

(Crédits Photo: Dossier officiel RDC)


Aida Salina Sánchez “Aidita” - danse & chœurs
Dès son plus jeune âge, elle a dansé sur scène avec des artistes tels que Merceditas Valdés ou Celina González. Elle a travaillé au sein de Raices Profundas, et de “Havana Night”. Elle a également dansé avec le Conjunto Rumbavana ou avec Jane Bunnett.

“Los tres Aspirinas”:
Cette grande famille de rumberos de Guanabacoa a eu de nombreux membres, dont beaucoup sont morts, et dont beaucoup de jeunes petits-fils et neveux perpétuent la tradition de folklore. Le nom de “Aspirina” vient d’un frère aîné de Mario Jáuregui, Pedro, souvent victimes de terribles maux de dents, et devenu célèbre pour soigner ses douleurs en gardant pendant des heures contre sa dent malade des cachets d’aspirine. On lui donna donc naturellement le surnom de “Aspirina” qu’on attribua ensuite à toute la famille.

Mario "Aspirina" Jáuregui Francis
(Crédits Photo: Pascal Gouy "El Chévere.")


Né le 22 juillet 1932, Mario est considéré comme l’un des plus grands quinteros de Cuba, avec Jesús Alfonso de Matanzas. À l’âge de 9 ans il commence à étudier les batá avec Pablo Roche, et on dit de lui qu’il apprend plus rapidement que tous les autres. Il commença à jouer dans les cérémonies alors qu’il était encore un enfant. Il dit lui-même avoir joué le quinto dans “El Vive Bien” d’Alberto Zayas, premier album de rumba enregistré à Cuba, mais il ne figure pas dans les crédits du disque.
Membre-fondateur du Conjunto Folklórico Nacional en 1961, en tant que danseur.
Il est assurément le gardien de la tradition des vieus styles de rumba et des batá de La Havane.
Il est un des toous-derniers élèves de Pablo Roche encore en vie avec Chachá Vega (Pancho Quinto venant de disparaître. De plus, au contraire de Pancho Quinto, qui “inventa” beaucoup de choses dans la rumba comme dans les batá, Mario n’a jamais changé une ligne de son style, appris avec “les rumberos de la Historia” et avec Pablo Roche.
C’est un petit homme, discret et tranquille, qui se garde en parfaite condition physique. Le musicien nantais Karim Ammour est actuellement en train d’écrire un ouvrage sur Mario.

(Crédits Photo: Patricio)


Miguel Ángel “Aspirina” Mesa Cruz “El Caballero de la rumba” - chant
Un des plus vieux chanteurs de La Havane. Il est le champion incontesté de la columbia (45 minutes). El Goyo dit de lui que ce nouvel Aspirina a été une source d’inspiration pour lui.
Membre de Conjunto de Clave y Guaguancó après sa re-formation, comme en témoigne l’extrait du fabuleux documentaire de 1967 “Y Tenemos Sabor” visible grâce à Guarachón sur ce site.
Miguel Ángel "ouvre" le disque “Rapsodia Rumbera” avec sa fameuse chanson “Miguel Ángel el Divertido”. Il a travaillé pendant des années au cabaret Tropicana.
Il est la parfaite incarnation du rumbero autodidacte, et a travaillé en de nombreuses occasions avec des légendes de la rumba havanaise, comme Agustín Pina “Flor de Amor” ou Odilio Urfé.

(Crédits Photo: Patricio)


Luis Chacón “Aspirina” Mendivel - percussion, chant et danse
Il est un peu plus jeune que les deux précédents. Luis a été directeur de nombreux groupes à partir des années 1960. Il chante, danse et joue les tambours, le tout avec une incroyable énergie. Musicien de la Orquesta Jorrín, il a été lui aussi membre-fondateur du Conjunto Folklórico Nacional. En 1964 il fonde son propre groupe, Sicamalié.

Rumberos de Cuba a produit le cd “¿Dónde Andabas Tú, Acerekó?” qu’on peut trouver sur:
www.egrem.com.cu/catalogo/undisco.asp?codigo=CD-0600
www.descarga.com/cgi-bin/db/20747.10?yteNAN7v;;340
www.mostwanted-online.nl/shop/catalog/

et un remarquable dvd, “Rumbón Tropical”, qu’on peut trouver sur:
www.boogalu.com/generic121.html
www.earthcds.com/caribbean/cuba/cuba-rumbon.shtml
www.descarga.com/cgi-bin/db/20667.20?yteNAN7v;;403

samedi 9 décembre 2006

Entretien avec Gregorio "El Goyo" Hernández

(Credits Photo: El Goyo avec Rumberos de Cuba, janvier 2004, invité pour un "Mayeya" en duo avec Juan de Dios Rámos. Dossier officiel de Rumberos de Cuba)

Toujours dans le but de commémorer les 70 ans d'El Goyo, nous publions, en tant que suite à l'article paru le 8 décembre dernier, un entretien avec le maître réalisé lors du Stage International de Tournai en août 2005, en Belgique. Goyo est l’habituel professeur de danse afro-cubaines de ce stage.
Il nous raconte ici comment la Rumba a cessé d’être uniquement un évenement musical spontané “de quartier” ou “de solar” avec l’apparition d’orchestres professionnels, de réelles “agrupaciones de rumba”, au début des années 1950.
Il explique l'importance du premier enregistrement commercial de rumba jamais paru, en 1956, “El Vive Bien” de Alberto Zayas y su Grupo Foklórico, qui contribua à la création de groupes tels Los Muñequitos de Matanzas.

P: Cher Gregorio, j’aimerais que tu me parles à nouveau des premiers groupes de Rumba, dont le premier était “Conjunto de Clave y Guaguancó”, m’as-tu dit…
G: Oui, Clave y Guaguancó fut le premier, après la disparition des coros de rumba.
P: Les coros de clave?
G: Les coros de clave, et ensuite les coros de guaguancó: El Paso Franco, los Rápidos Fiñes, los Roncos, ils étaient toute une série de groupes. Je ne me les rappelle pas tous.
P: Existaient-ils déjà au début du XXe siècle?
G: Oui. Et ensuite se forme le groupe de Clave y Guaguancó. La date que l’on connaît pour la naissance ce groupe, c’est le directeur de l’époque, Agustín Pina "Flor de Amor", qui la donne. dans une entrevue avec Amado Dedeu (actuel directeur): “Je ne me rappelle pas bien, mais je sais que c’était pendant le seconde guerre mondiale”, dit-il. Et de là, on en a déduit qu’il s’agissait de 1945. Pourtant il est clair que la guerre n’a pas duré qu’un an - quand était-ce exactement: au début, à la fin? Alors on a choisi un moyen terme et on a dit que c’était en 1945. Ensuite, en 1953 apparaît le Coro Foklórico Cubano, que fonde Odilio Urfé. Ils graveront un disque qui s’appelle “la Rumba y la Conga”, mais on dit que ce disque a été produit sur le label américain Gema, et qu’il n’a pas été distribué à Cuba, parce qu’ils n’avaient pas confiance en son éventuel succès dans l’île.


Apparaît ensuite Andrés Castillo, chef de production de la Panart (premier label cubain). Il a alors tous les pouvoirs, et il choisit d’enregistrer cette chanson: El Vive Bien. Et ça a été un succès incroyable. Mais à l’époque, ce n’était pas comme maintenant, où il faut, pour faire la promotion d’un disque, aller à la radio, à la télévision, non… Il fallait que le disque passe dans les victrolas (les juke-boxes). On entrait en studio et on en ressortait avec son disque en main. Il y a des disques qui étaient mauvais, certains étaient “montados” (“à l’envers”) dans la clave! Il te suffisait des réunir quelques amis, tu amenais un peu de rhum et le studio ne te faisait rien payer pour t’enregistrer!. Les enregistrements officiels, jusqu’à il y a peu, à Cuba, coûtaient dix pesos de l’heure. On enregistrait directement et tout le monde commença ainsi à faire son petit disque. Mais le seul qui ait eu du succès, c’est “El Vive Bien”, et grâce aux victrolas, ça a fait un boum retentissant, une folie! Toutes les victrolas avaient ce disque. Finalement, il est entré à la radio, puis à la télévision. Et c’est à partir de ce moment que se sont multipliés les groupes, comme Los Muñequitos…
P: Mais dans le disque d’Alberto Zayas il y avait des gens du Coro Foklórico Cubano, non?
G: Oui, c’était comme une espèce de scission dans le Coro Foklórico Cubano.
P: Maximino Duquesne était dans le Coro Folklórico…
G: Oui, Maximino est un vieux, un excellent rumbero. Tu sais qu’on l’appelle “El Moro Quinto”… Au début le CFC s’appelait “Lulú Yonkorí” et prit le nom de Coro Foklórico Cubano après l’enregistrement de leur disque. Tous ces groupes petit à petit vont être amenés à disparaître dans les années 1960, et n’enregistreront plus jamais rien. Même les Muñequitos ont disparu pendant un bon moment, à cette époque. Jusqu’à ce qu’ils réapparaissent dans les années 1970.


Tu n’as jamais entendu la rumba qui dit:
“De nuevo aquí tienen a Los Muñequi-itos” - écoute bien ce morceau. (ndt.: il s'agit de "Óyelo de Nuevo", dont les Muñequitos ont enregistré pas moins de 6 versions). Tu verras que tous ces gens ont disparu pendant les années 60. Fariñas (Pedro Celestino) était dans les Muñequitos avant qu’ils disparaissent, mais a dû laisser le groupe, parce qu’il n’y gagnait que 150 pesos par mois, alors il est venu à La Havane. Et comment faire pour survivre là-bas? Poutant Fariñas y avait un bon poste - il jouait le tres-dos. Chacho, un bon ami à moi lui aussi était dans les Muñequitos, et lui aussi a dû partir: il ne gagnait rien.
Tous ces groupes: Los Hijos Buenos, Los Distintos, Los Principales, Los Tercios Modernos, Los Parragueños... tous ont disparu. J’étais dans Los Tercios Modernos, avec Juan de Dios (Rámos) “El Colo”, Maximino Duquesne, et José Antonio. Et aussi avec Miguelito et Carlos Quinto qui vivent aujourd’hui à Chicago… nous nous sommes maintenus jusqu’en 1961. Il y avait aussi Zorrín qui n’est plus musicien professionnel maintenant, et Pipi qui est aux États-Unis, lui ausi.
P: Les Muñequitos, donc, ont disparu pendant un moment.
G: Et sont réapparus, d’où la rumba:
“De Nuevo aquí tienen a los Muñequi-itos
Ahora sí es verdad que desaparecieron, aquí están”.
Ce morceau appartient à l’Histoire. Les gens commencèrent à parler, à dire du mal du groupe entre eux, d’où l’estribillo.
“Un día yo salí de mi casa, de mi casa
Con la mente muy entretenida
Después yo fui sorprendido con cosas que aquí se dan.
De nuevo aquí tienen a Los Muñequitos.
Ahora sí es verdad que desaparecieron, aquí están.
Veni' para que aprecien su valer
No le temen a la calumnia
Ni les sorprenden la injuria, aquí están
Los Muñequitos en la calle, hablen habladores”.
“Un jour je suis sorti de ma maison, de ma maison
Avec à l'esprit des pensées joyeuses
Ensuite j’ai été supris par les choses qui se passent ici
À nouveau ici voici les Muñequitos
Oui, c’est vrai qu’ils avaient disparus, les voilà.
Venez pour aprécier vous-mêmes leur valeur
Ne craignez pas la calomnie
Ne soyez pas surpris par l’injure, les voilà
Les Muñequitos sont dans la rue, parlez, mauvaises langues”



VIDEO: Conjunto de Clave y Guaguancó: yambú con cajones,
TV Cubaine 1970's.


Dans le “Conjunto de Clave y Guaguancó” arriva ensuite comme directeur Amado Dedeu, qui changea la ligne directrice de ce groupe, qui avait été créé pour maintenir la tradition.
P: C’est-à-dire: Coros de clave avec Coros de Guaguancó.
G: Exactement. Ce groupe avait une ligne de conduite qui a ensuite disparu. Ils travaillaient avec des cajones, uniquement avec des cajones. Vêtus de blancs, avec des alpartagas (des espadrilles) blanches. J’ai un enregistrement de cette époque chez moi: il y avait là Agustín Gutiérrez (8), Miguel Ángel Aspirina, Chano, pas Chano Pozo, mais le Chano de Malanga.


P: À Matanzas, la même chose s’est-elle passée, la ville avait-elle également ses groupes?
G: Non. Los Muñequitos se forment à cause du succès de Lulú Yonkorí, et ensuite se crée Afrocuba de Matanzas. Et également “El Folkloyuma” à Santiago de Cuba.
P: Ainsi, El Folkloyuma est lui aussi ancien…
G: Oui. Mais tous ces groupes apparus après le succès de Lulú Yonkorí ont disparu, sauf Clave y Guaguancó et le Coro Folklórico Cubano qui se sont maintenus - avec difficulté -, parce qu’ils étaient devenus une partie du “patrimoine”. Pendant un moment l’état leur a garanti un salaire fixe, à ce titre.
Odilio Urfé, lui, commença à travailler pour la musique pour touristes fortunés de l’époque. Au cabaret “Sans-Souci”, au “Tropicana”. Il avait le pouvoir de s’insérer dans tous ces projets. Ils ont tourné avec la revue “Van Van Iroko” en 1956 au Tropicana, et en 1958 ils étaient au Sans-Souci. Il y avait là quantité de musiciens excellents, venus de la rue, qui sont passés par cette revue. C’était le meilleur projet, le seul où il y avait un peu d’argent.

(g à d:) Ignacio Piñeiro, Marina Sánchez,
Estela Rodríguez & Ana María García
après un concert du Coro Folklórico Cubano (1960's).

(De: Notes du cd: Coro Folklórico Cubano,
"...En Un Solar Habanero," EGREM CD 0424)


Comme Emiliano Sanchez, comme... la défunte Estela Rodríguez, Je ne me les rappelle pas tous, malheureusement. Les soeurs Romay, [Mercedes and Juanita], Marina [Sánchez] (1920-2002) jouait du saxophone avec Anacaona, mais elle les a quittées pour rejoindre le Coro Folkórico. Parce que Odilio Urfé, Monsieur Odilio Urfé avait toujours du travail pour elle, et qu'elle qu'elle pouvait gagner sa vie.

P: Y avait-il dans ces cabarets des musiciens qui sont devenus célèbres aux USA comme Julito Collazo, Mongo Santamaría ou Francisco Aguabella?
G: Il faut savoir que la rumba cubaine a été connue par les disques aux USA avant de l’être à Cuba. Tous ces gens qui sont partis travailler là-bas étaient célèbres à Cuba.
P: Mongo a gravé un premier disque de foklore aux États-Unis avec une seule rumba instrumentale. Il en a gravé un second en 1955, appelé “Changó” (Lp Tico 1149), ré-édité en 1978 sous le nom de “Afro-cuban Drums & Chants” (Lp Vaya 56), avec cette fois quatre rumbas. Après cela, il sort aux début des années 1960 un troisième album: “Bembé” (Lp Fantasy 8055), ré-édité en une compilation (avec un album de cha-cha-chá) sous le nom “Our Man in Havana”.


Dans ce dernier figurent cinq rumbas dont une que j’ai ici et qui dit:
“El agua limpia-limpia-limpia todo (bis)
El agua también limpia la lengua de la gente”

Tu ne connais pas ce morceau? Je l’ai ici (nous l’écoutons)…
G: Je ne connais pas ce disque. Je sais quel succès Mongo a eu là-bas, je l’ai connu quand il est venu à Cuba dans les années 1980. (il écoute encore)…
Note bien qu’ici ils chantent “a coro”. Tout est chanté à plusieurs voix: c’est là l’influence des coros de guaguancó!
P: Donc, après les années 1960 réapparaissent les groupes de rumba, et ils recommencent à enregistrer? Les Muñequitos ont reparu dans les années 1970…
G: Je ne me rappele plus la date exacte. Virulilla est retourné à son ancien métier de tôlier. Sont revenus Saldiguera et Goyito Seredonio, et Abogado, qui est resté directeur. Il était jeune au début des Muñequitos, et c’est lui qui avait eu l’idée de joindre au groupe un couple de danseurs, comme Odilio Urfé l’avait fait à La Havane.
P: Le groupe s’était formé en écoutant “El Vive Bien” d’Alberto Zayas.


G: C’est ce qui leur a donné l’idée de faire leur groupe. Il y avait Ernesto Torriente, Juan Bosco, Saldiguera (Esteban Lantrí), Virulilla (Hortensio Alfonso), Goyito Seredonio (Gregorio Diaz), Ángel Pelladito, “Chachá” (Esteban Vega)...
P: Florencio Calle?
G: Florencio Calle, c’était le directeur, “Catalino” l’appelait-on parfois, ils étaient huit en tout.
P: Et ils commencèrent à composer des rumbas…
G: Non!, les compositions étaient plus anciennes… On ne faisait pas à l’époque des compositions pour un disque. Tous ces gens, et Alberto Zayas le premier, allaient des les rumbas spontanées, tout ce passait là. C’est là que sont nées les rumbas, les textes des chansons.
P: La rumba était partout?
G: Spontanée, sans organisation réfléchie.
Untel de tel solar marchait dans la rue:
- “¿Qué bola? bonjour, quoi de neuf?”
- “Tu as entendue la dernière rumba de Tío Tom?”
- “Laquelle?”
- “Celle qui dit: los Cubanos son, etc…”,
et, en traversant la rue:
- “Regarde c’est pas ce type, là, qui jouait dans le güiro l’autre jour, eh, ça va?”
arrive un quatrième, il “attrappe” la clave et boum!, et peu après ils sortent les cajones et "la rumba está formada”. Et quelques jours plus tard on remet ça…
Il y avait beaucoup d’endroits où il y avait de la rumba tous les dimanches. Moi, j’allais à Arroyo Naranjo (arrondissement du sud de La Havane), je savais que tous les dimanches il y avait de la rumba dans la maison des Calderones. Je vivais dans le quartier de El Moro, de ce même arrondissement. Ou sinon j’allais au solar “El Marinero”.
P: Et le solar “La Cueva del Humo”?
G: La Cueva del Humo n’a jamais été un solar: c’était un des trois quartiers marginaux, avec Las Yaguas et Isla de Pinos, très pauvres. Les gens plantaient quatre bouts de bois dans le sol et ils se faisaient une maison avec du bois et des feuilles de palme. J’ai un film chez moi que je te montrerai, qui s’appelle "De cierta manera," (dir. Sara Gómez, 1974) dans lequel on voit bien le quartier comme il était à l’époque.
“De cierta manera”- c’est une expression populaire ancienne que l’on utilisait: “¿Qué bola, asere?”, “No, aquí, de cierta manera” (“d’une certaine manière”).
Il y avait aussi l’expression “No hay ma’ na’” (no hay nada mas) qui était très utilisée au début de la Révolution:
“Bueno, dame un trago, no hay má’ná”, “Vamo’ pa' la rumba, no hay má’ná” (“il n’y rien de mieux à faire”). Ainsi était le langage de la rue. À propos des femmes, par exemple, connais-tu cette rumba qui dit:
“Soy Cubano, quiero a Cuba
y te canto guaguancó, de la región matancera
La Habana la cabecera, como capitál bendita
En ella se encuentra todo, lo que ustedes necesitan”
Elle dit aussi:
“Un pollo zalamero, que alegra el corazón”
Qu’est-ce pour toi qu’un “pollo zalamero”? C’est ainsi qu’on parlait des femmes: “¡qué clase de pollo!”, et ensuite on a dit: “aleja”, et ensuite “jeba”, et maintenant ils disent “mango”: “¿viste el mango ese? - c’est l’argot populaire…
Oui, c’était ainsi dans les trois quartiers similaires: las Yaguas, la Cueva del Humo et Isla de Pinos, qui se situait précisément entre les rues Castiva Taller et Cristina. Las Yaguas était dans l’arrondissement de Luyanó. J’ai également vécu là…
P: Merci beaucoup, Goyo…
G: À ton service.

En prime: une vidéo mettant en scène le fils de Goyo, Reynaldo Hernández, et son père. Posté par "avkid" sur YouTube:

Los Ibeyi Junior sur You Tube (1)


"Posté" par "wuakeen".
Durée: 7.00
Peut-être la meilleure vidéo postée sur YouTube par wuakeen. (voir le 2e volet batá sur http://echuaye.blogspot.com).
Les enfants-prodiges musiciens ou danseurs sont légion à Cuba. On connaissait ceux qui se produisent avec Les Muñequitos de Matanzas ou avec Afrocuba de Matanzas. On connaissait mieux encore en France le célèbre Eric Michael Herrera Duarte "Lucumí" grâce au film de Tony Gatlif "Lucumí, l'enfant rumbero".
Les deux nouvelles stars en herbe du folklore havanais sont maintenant Didiel Acosta et Elisier Chapottín, mis ici en scène au Festival "Fiesta de Tambores". Ces deux enfants figurent sur l'album de Miguel "Puntilla" Ríos: "Oloyú Oba - Oñí Oñí", enregistré à Paris. Ils étaient tous deux également dans la comédie musicale de Jérôme Savary "Chano Pozo", qui n'a eu malheureusement que peu de retentissement en France.
Los Ibeyí est le groupe dirigé par Daniel Rodríguez, chanteur et joueur de tambour, qui figure également dans le cd de Miguel Puntilla, et que l'on voit ici jouer la clave.
L'attitude et la maîtrise de Didiel Acosta (quinto et chant) sont époustouflantes. Elisier Chapottín joue le tres-dos. Ils chantent à deux voies successivement "La Media Vuelta" et "El Cisne Blanco", deux boleros devenues des rumbas.

vendredi 8 décembre 2006

Ernest Gatel "El Gato Maravilloso"

(photo tirée du dossier officiel de Rumberos de Cuba)

Né le 16 septembre 1946, Rogelio Ernesto Gatel Cotó “El Gato maravilloso” vient d'avoir 60 ans. Son anniversaire de Saint aura lieu le 20 décembre 2006. Il est un des rares musiciens blancs à s’être imposé dans le monde de la rumba.
Né à Santos Suárez, La Havane, il est revenu vivre aujourd'hui dans ce même quartier. Sa modeste famille a très tôt déménagé à Regla, de l’autre côté de la baie. Regla (patrie du premier “plante” abakuá) et Guanabacoa ont toujours été considérés comme les quartiers les plus “africains” de La Havane. La famille d’Ernesto était la seule famille blanche du solar dans lequel ils vivaient, et Ernesto a d'emblée souffert du racisme des noirs envers les blancs. Jeune garçon, il commença la percussion, comme un passe-temps, sur une vieille tumbadora. Il rejoindra plus tard la comparsa “Los Guaracheros de Regla”. C'est alors qu'il décide d’étudier plus sérieusement, et qu'il apprend à jouer tous les styles folkloriques de La Havane (rumba, abakuá, arará, bembé, güiro…) à l’exception des tambours batá, qu’il n’étudie pas de façon appronfondie. Il a toujours considéré l’étude des batá comme un travail gigantesque (et c'est bien la réalité). Il joue parfois okónkolo sur scène ou ailleurs, quand il manque un percussionniste. Ses professeurs sont tous des percussionnistes célèbres, avec qui il travaillera ensuite comme chanteur: il cite Maximino Duquesne Martínez “El Moro Quinto”, Luis Chacón “Aspirina” Mendivel et “Pancho Kinto” Mora, entre autres.

(photo par Pascal Gouy "El Chévere" prise devant la maison d'Ernesto. De g à d debout: Yosvani Diaz, Ernesto, Lázaro Rizo, Aidita… Aux percussions de g à d: Marquito, Mario "Aspirina", Maximino Duquesne)

À l’âge de 42 ans, en 1988, Ernesto devient enfin percussionniste professionnel. En 1990 il intègre le plus ancien groupe de rumba de Cuba, Conjunto de Clave y Guaguancó, avec qui il va rester trois ans. Amado Dedeu, déjà directeur de CyG à cette époque, lui demande alors de chanter quelques rumbas, car il manquait au groupe un chanteur. À cette époque, les membres du Conjunto Clave y Guaguancó étaient:
-la défunte "Amelita Pedroso" (nièce de l’akpwón Lázaro Pedroso “Ogún Tola”), grande spécialiste du yoruba,
-“Lalí” González Brito, percussionniste (Ernesto et lui sont tous deux blancs, et portaient la barbe à cette époque),
-Pedro Lugo Martínez “El Nené”, incroyable chanteur à l’aise dans trois styles: Le Son, le Yoruba (Abbilona), et la Rumba (Rapsodia Rumbera).
-José (del) Pilar Suárez, chanteur et percussionniste, et
-Alejandro Publes, célèbre percussionniste qui a disparu en 1991.
Tous ensemble, ils ont enregistré en novembre 1990 le premier album de Conjunto de Clave y Guaguancó: “Songs & Dances” ou “Cantaremos y Bailaremos” (Xenophile GLCD 4023). Cet album est le premier disque de “guarapachangueo” jamais enregistré, après la révolution qu'a connue la rumba, générée par l'explosion de ce nouveau style dans les années 1980, inventé par “Los Chinitos” de San Miguel del Padrón. Los Chinitos créèrent le guarapachangueo dans les “Cajones al Muerto” (cérémonies spiritistes) avec seulement deux joueurs de cajón, ainsi que des nouvelles formes de cajones. Bien distribué, l’album “Songs & Dances” est maintenant connu dans le Monde entier. Le producteur cubain du disque, Rodolfó Chacón Tartabull, après de multiples projets couronnés de succès, deviendra directeur administratif de Rumberos de Cuba, le nouveau groupe-phare d’Ernesto.

En 1992 Ernesto entre dans le groupe de Aritides Sotó “Tatá Güines”, avec lequel il part en tournée au Japon, puis au Mexique, au Venezuela et en République Dominicaine. Dans ce groupe figuraient déjà Maximino Duquesne “El Moro Quinto” et Marcos Herminio Diaz Scull “Marquito”. Ces deux-là suivront Ernesto jusqu’à la création of Rumberos de Cuba, et à la mort de Marquito en 2005. Ils enregistrent en 1995 “Aniversario” (Egrem 0156), où figurent: Pedro Lugo Martínez “El Nené”; Lázaro Rizo Cuevas (un chanteur qui joue tous les “palitos” dans les meilleurs disques de rumba des années 1990 et 2000), et un Gregorio “El Goyo” Hernández au sommet de son art. Le producteur de ce disque est encore une fois Rodolfo Chacón.


En 1993 Ernesto chante dans “Rapsodia Rumbera” (Egrem 0121), peut-être le meilleur disque de rumba havanaise jamais enregistré. Sur la photo de la pochette on peut reconnaître de g à d et de h en b: Gregorio "El Goyo" Hernández, Ricardo Gómez Santa Cruz, Mario Dreke "Chavalonga", Amado Dedeu, (on distingue ensuite à peine Marquito et Maximino Duquesne), et un Ernesto Gatel barbu.
Marquito et Maximino jouent le tres-dos et le tumbador, et les meilleurs quinteros de La Havane viennent improviser sur ce tapis: Mario Jauregui “Aspirina” (4 morceaux), Tatá Güines (3 morceaux), Pancho Quinto (1 morceau), Amado Dedeu (1 morceau) et… Pedro Lugo “El Nené”! (1 morceau). La section vocale de Rapsodia Rumbera constitue un “All-stars” en elle-même: Miguel Ángel “Aspirina” Mesa Cruz (recordman de la columbia - 45 mns); Ernesto Gatel; Pedro Lugo “El Nené”; Juan de Dios Rámos “El Colo”; Ricardo Gómez “Santa Cruz”; Mario Dreke “Chavalonga”; Amado Dedeu, avec Gregorio Hernández “El Goyo” dans le rôle de directeur du coro. Ernesto y chante seulement le thème de “El Yerbero”, à deux voies avec "El Nené". Rapsodia Rumbera tournera en France, grâce à un projet mené de Nantes par Olivier “Doudou” Congar et Karim Ammour.


En 1997, Ernesto pris part au projet “Afrekete - Iyabakuá” (Pan Records CD2078) dont le directeur musical est Javier Cámpos Martínez “Javierito”, avec Pancho Kinto, José Pilar, Maximino Duquesne, le petit Eric Michael Herrera Duarte “Lucumí”, Lázaro Rizo et Marta Gallarraga (fille du célèbre akpwón Lázaro Gallarraga).
En 1998 El Gato entre au sein du groupe d’El Goyo, “Obá Ilú”, avec lequel il enregistre le LP “Santería” (Soul Jazz Records CD38), avec “Pedrito” Martínez Cámpos (rien à voir avec Javierito), Marta Galarraga, Maximino Duquesne, Lázaro Rizo, Ricardo Gómez “Santa Cruz”, Mario “Aspirina” Jauregui, et un des fils de Goyo: Lázaro Hernández Junco. À cette époque Ernesto rejoint également le Conjunto Folkórico Nacional comme chanteur soliste.
Cette même année il rejoint la formation de la saxophoniste (et flûtiste) canadienne Jane Bunnett “Spirits of Havana”, enregistrant avec elle trois albums et un dvd. Le premier cd sera “Chamalongo”,
le second: “Ritmo más Soul” (que je considère un des meilleurs albums de latin jazz de tous les temps), et le troisième: “Cuban Odissey” (2002). “Cuban Odissey” a été enregistré un peu partout à Cuba, avec des musiciens de chaque ville visitée par Jane Bunnett, tels que les Muñequitos de Matanzas, Grupo Vocal Decendann de Camagüey, Los Naranjos de Cienfuegos, etc… The dvd porte le même nom que le cd (“Cuban Odissey”) et contient le même programme. Il a été partiellement filmé dans la maison d’Ernesto à Santos Suárez, “frente al cine Mara”. Tous les rumberos de La Havane connaissent la bonne acoustique de la pièce principale de cette maison - c’est l’endroit où répètent Rumberos de Cuba.


Ernesto participe à un 8ème album en 2002. Il s’agit du projet dirigé par Orlando “Puntilla” Ríos - qu’Ernesto considère son père spirituel - appelé “Cuando los Espíritus Bailan Mambo”. Ce projet est lié à un film du même nom (voir http://www.whenthespiritsdancemambo.org/index.html). Ce double album comprend quatre groupes: “Los Egun Hablan”, “Conjunto de Clave y Guaguancó”, “Grupo Yoruba Andabó” et une charanga renommée qui joue ici dans le style dit “Violín a los Orichas”: La Orquesta Estrellas Cubanas.
Le groupe appelé “Los Egun Hablan” constitue le premier maillon discographique de ce qui deviendra ensuite “Rumberos de Cuba”. Dans le disque de Puntilla, et sous sa direction, Los Egun Hablan sont: Ernesto Gatel, Lázaro Rizo, Guillermo Escolástico “El Negro” Triana, Santiago Garzón Rill “Chaguito”, Luis Chacón “Aspirina”, “Aidita” Salina Sánchez - danseuse et choriste, “Lucumí”, Reynaldo Delgado Salerno “Flecha” (célèbre batalero et chanteur, jouant iyá dans toute la série de cds de Lázaro Ros “Oricha Ayé”, ayant ensuite émigré à Genève), et ceux qui deviendront la section de percussion de Rumberos de Cuba: les désormais inséparables Marquito Diaz (tumbador) et Maximino Duquesne (tres-dos ou quinto), plus Mario “Aspirina” Jauregui (quinto), et Yiovani Diaz (fils de Marquito), qui peut jouer aussi bien le tumbador que le tres-dos.
Le projet actuel d’Ernesto Gatell est son propre groupe, Rumberos de Cuba, dont Rodolfo Chacón est producteur. Ce groupe, sur lequel nous ferons prochaînement un long article, a enregistré à l’heure actuelle quatre cds. Le premier est paru chez Egrem. Il s’agit de “¿Donde Andabas Tú, Acerekó?”. Ils ont également produit un dvd, “Rumbón Tropical”, qui est en vente dans nos liens favoris. Trois autres albums sont pour l’instant inédités:
-un cd de trois titres avec Tatá Güines et José Luis Quintana “Changuito”,
-un cd en hommage à Tío Tom (dirigé à nouveau par Puntilla?), et
-un tout dernier album enregistré il y a peu avec la nouvelle formation du groupe (la mort de Marquito et le départ de Mario Aspirina ayant quelque peu bouleversé la section rythmique).



Ernesto (à gauche) à l'anniversaire d'Orlando Puntilla, La Havane 2004
(Photo Credit: Patricio)


Ernesto Gatell est également depuis 1999 professeur sur les stages organisés à Santos Suárez par Trempolino et Olivier “Doudou” Congar, de Nantes, et dont au moins deux ont un agrément AFDAS (musique yoruba et musique populaire), ce qui permet aux intermittents du spectacle de partir étudier à moindre frais. Il reste d’ailleurs quelques places sur les stages de 2007. Contactez Trempolino à Nantes au 02.40.46.66.55 qui vous aiguillera ensuite sur l’Afdas de Rennes. Pour monter un dossier il suffit de témoigner d’au minimum 48 attestations de Congés-Spectacles (ou du "guichet unique") sur deux ans (24 par an). Les frais du stage se montent en tout à environ 250 euros pour 12 jours de stage tout compris (voyage, hébergement, nourriture, cours). J’ai eu la chance de faire partie de deux de ces stages en musique yoruba, et je peux vous affirmer qu’ils comptent parmis mes meilleurs séjours à Cuba.

mercredi 6 décembre 2006

Gregorio Hernández "El Goyo" fête ses 70 ans.

¡Felíz Cumpleaños Goyo¡, né le 17 novembre 1936.

Membre-fondateur du Conjunto Folklórico Nacional, avec lequel il a passé 25 ans. Folkoriste, professeur, directeur de compagnies, conférencier, rumbero, compositeur de rumbas, chanteur, et Moruá Iyuansá Uriabón - grand spécialiste du chant abakuá.
Goyo est très reconnu, parmis tous les rumberos, pour ses célèbres performances de chanteur dans "Mayeya" avec Rapsodia Rumbera, et dans "La Jerigonza" avec Tatá Güines (Aniversario): ces deux morceaux cimentent aujourd'hui sa légende.
Il a travaillé également dans le domaine du Latin Jazz, avec la saxophoniste canadienne Jane Bunnett sur Chamalongo et sur le dvd (et cd) "Cuban Odissey".
Mais, à 70 ans, Goyo a encore beaucoup d'autres projets...
El Goyo est né près de Pinar de Río, mais sa famille a rapidement déménagé dans le quartier marginal de Las Yaguas à La Havane.
Dans les années 1940, son père, Isidro, était "botellero" dans les rues de La Havane. Il se levait tôt le matin et arpentait les rues, pregonando, pour racheter aux gens leurs bouteilles vides, qu'il revendait ensuite aux usines.
Extraits de "Pasión de Rumbero" de María del Carmén Mestas, traduits par Guarachón:
Un matin Goyo demanda à son père, surpris: "Papa, aujourdhui, c'est mon anniversaire, et je voudrais que tu m'emmènes pour chanter dans les rues avec toi" et, rapidement, le petit Goyo âgé de 7 ans, accompagnant son père, lança ses pregones, à la grande admiration de ceux qu'il enchantait de sa voix mélodieuse".
La famille déménagea ensuite dans le quartier El Moro, où Goyo développa un intérêt grandissant pour la rumba, en dansant, puis en jouant le palito, et finallement en chantant.
Il connût ensuite l'époque où la victrola (le juke-box), la radio, et plus tard la télévision donnèrent leur élan aux premiers groupes de rumba. La rumba, auparavant confinée dans les quartiers, devint alors plus visible. Les premiers groupes de rumba obtinrent un éclatant succès:
"Je te dis: tout ça explosa réellement: sont nés des groupes comme "Alejo y sus Muchachos", "Los Chicos Buenos", "Las Estrellas Amalianas", "Los Principales", "Rumbolero", "Los Parraqueños", et "Los Tercios Modernos", jusqu'à plus tard la formation de ce cuarteto magnifique que formèrent Los Papines."
El Goyo forma d'abord son duo avec Carlos Aguila, puis travailla plus tard avec Daniel Sánchez, Jesús Estrella Gutierrea, Fico Fabelo et avec Juan de Dios Rámos "El Colo" (tous les deux étaient au Conjunto Folklórico Nacional et ensuite dans "El Sicamarié", "Mambo Chambo" et "Los Principales").
Goyo est également un grand chanteur de musique rituelle Abakuá, à laquelle il est souvent fait référence dans la Rumba.
"Le monde de l'Abakuá est très lié à celui des rumberos et, spécialement, à ceux qui cultivent le yambú et le guaguancó; pour cette raison, dès que je me suis initié à la rumba, j'ai ressenti de l'intérêt pour cette société".
Plus tard il est devenu un Abakuá lui-même (son nom de "plaza" est Moruá Iyuansá Uriabón) et rapidement un expert dans le chant et les pratiques cultuelles ("S'il y a une chose que je sais faire, c'est faire sortir l'Ireme du Cuarto Fambá", dit-il). On peut entendre Goyo au moins un enregistrement de musique abakuá sur deux (trop rares malheureusement), la plupart du temps avec le Conjunto Folkórico Nacional. Citons le volume 10 de la série "Antología de la Música Afrocubana" Egrem - on a longtemps cru que ce dernier volume de la série était une légende. Par bonheur, cette série est aujourd'hui disponible (enfin) en cd: ici.
Goyo est toujours aussi occupé que jamais par ses projets en cours. En 2000 il a réuni en studio un panel de spécialistes pour raconter l'histoire de la rumba, depuis les Bandos de Calle et les Coros de Clave jusqu'au Guarapachangueo et à la Rumba-rap, dans son cd La Rumba es Cubana" (Abdala UN-CD6004).
Depuis lors, en plus de ses conférences au Festival Guanana 2006 à Cienfuegos, et au Festival "La Conga y La Rumba", à Bejucal, Goyo travaill sur un dvd qui s'appelera "De las Raíces a las Síntesis", traitant de l'interaction entre les racines espagnoles et africaines de la rumba, et de sa contribution au Son.
Il a également en projet3 nouveaux cds, pour lequel il a besoin de "matériau de recherche", soit: "Goyo y sus Amigos", "Homenaje al Tío Tom," et un cd encore sans titre, sur les rumbas qui commentent les évènements politiques nationaux et internationaux.
Merci à Goyo pour partager avec nous son talent et ses grandes connaissances, puisses-tu vivre encore de nombreux anniversaires, chantant au Monde les merveilles de la musique cubaine.
Pour une vision complète de la carrière de Goyo, téléchargez son Curriculum Vitae..
Très bientôt un prochain article complémentaire sera publié ici, avec de larges extraits d'un entretien avec Gregorio sur les premiers groupes de Rumba.

Décima et Rumba: De Retour sur le Web!

"Décima and Rumba: Iberian Formalism in the heart of Afro-cuban song," par Philip "Felipe" Pasmanick, en anglais.

No soyez-pas effayés par le titre, il s'agit-là d'un magnifique ouvrage sur l'étude de la rumba et d'un essai indispensable à tous les spécialistes, (et spécialement aux chanteurs, ndt.).
Une partie très importante de cet essai est dédiée à l'étude des systèmes de versification en usage dans la décima de la rumba cubaine.
Originellement publié dans la Latin American Music Review en juillet 1997, on peut la télécharger ici avec l'aimable permisson de son auteur.
Elle est disponible également en espagnol.

El Coro Folklórico Cubano: "En un Solar Habanero"


(de Guarachón et Patricio):
Autre album indispensable du second groupe de rumba créé à Cuba, après Conjunto de Clave y Guaguancó.
Y figure le chanteur Guillermo Escolástico "El Negro" Triana, connu pour "La Rana" dans l'album de Pancho Quinto "En el Solar la Cueva del Humo".
Cet album, qui "sonne" récent, semble avoir été enregistré en 2000. S'agit-il d'une reformation ponctuelle du groupe ou d'un hommage? Il est à noter que deux chanteuses (inidientifiées) figurent également dans cet album, ce qui est plutôt chose rare.
Musicalement, il couvre (très bien) plusieurs genres: outre les habituels guaguancó, yambú et columbia, il comprend également un "abakuá", deux congas, un "coro espiritista" et un coro de clave, joué avec les "violas" d'origine congo, aujourd'hui disparues.
Cet album est très comparable à celui de Gregorio Hernández "El Goyo" "La Rumba Es Cubana, su Historia".
La version cd de "En un Solar Habanero" a été éditée en 2002. Elle est maintenant déjà rare. Il en reste encore en vente sur Amazon.
Dans sa première version il comportait quatre morceaux de plus. Il s'agit de:
-Diana Habanera
-Columbia en Bomba
-Guaguancó Sabroso
-Hola
Cliquez ici pour les télécharger.
Un autre morceau, "Chambeleque" est disponible ici:


(Une autre bonne raison d'acheter ce CD est qu'il a gagné deux prix en 2001 au festival Cubadisco en tant que meilleur album de musique folklorique et meilleur livret d'album (détails).

Grupo Yoruba Andabó "Cajones Bullangueros"

Disque introuvable de Grupo Yoruba Andabó (jamais édité?).
De l'époque de Pancho Quinto, enregistré uniquement sur des cajones et sans guagua, avec au chant: Pedro Celestino "Fariñas", Juan Cámpos Cárdenas "Chán" et Calixto Callava.
(télécharger:)
Yoruba Andabó - Cajones Bullangueros

Liste des morceaux:
1. Óiganla
2. El Callejón de los Rumberos
3. La Protesta Carabalí
4. Cajones Bullangueros
5. Barasuguayo
6. La Bendición
7. Cinco líneas, Cuatro Espacios
8. El Niño Rey
9. Chano Pozo
10. Perdón
11. Lamento Africano
12. Tiembla la Tierra
13. Aquí entre las Flores

Acheter l'album essentiel de Yoruba Andabó "El Callejón de los Rumberos" ici.

La Rumba, le Guaguancó et Tío Tom


Un des meilleurs articles jamais parus sur la Rumba, "La rumba, le Guaguancó et Tío Tom",
de Leonardo Acosta,
a été publié en premier dans le recueil d'essais
"Du Tambour au Synthéthiseur"" (1983), traduit en français en 1985 (Edition José Martí, Cuba).






Gonzalo Asencio "El Tío Tom" est mort le 10 février 1991.
(photo extraite du livre de María del Carmén Pasión de Rumbero," livre indispensable, sur tous les grands rumberos.
À quoi ressemblait Gonzálo Asencio, ce "roi du guaguancó"? Il n'existe à mon avis q'un seul enregistrement de Tío Tom, "Camina a Trabajar", avec Los Papines, figurant dans des compilations. (Vous le trouverez à la fin de l'article). Si quelqu'un connaît d'autres enregitremnts, faites-le nous savoir s'il vous plaît…

"La rumba, le Guaguancó et Tío Tom"
par Leonardo Acosta, (traduction Christine Arnaud)

"Quelle est la frontière entre la légende et la réalité, et par où passe-t-elle? Il arrive parfois qu'un évènement ou un personnage réel entre dans la légende, et que celle-ci ternisse leur véritable histoire. Et souvent, un personnage devient légendaire et sa propre personnalité tombe dans l'oubli. Ces cas sont légion dans la musique populaire, et l'on trouve des êtres en chair et en os, oubliés et ignorés comme personnes, dont on n'a retenu que la légende. Tel est le cas de Tío Tom, dont nous connaissons tous des centaines de chansons, mais qui n'a été des années durant qu'une entéléchie, un personnage de légende… Jusqu'au jour la Maison de la Culture de la Place de la Révolution lui a rendu hommage. Des dizaines d'excellents rumberos de tout les pays assistaient à l'hommage, et Tío Tom était là, en personne, il chantait, il dansait, aussi réel que nous tous.


Qui est Tío Tom?"

Disons tout de suite que Tío Tom n'a rien à voir avec le célèbre personnage d'Harriet Beecher Stowe, qui d'ailleurs n'est ni un personnage historique, ni une légende, mais un personnage littéraire, érigé en archétype du noir "bon et soumis" du sud des États-Unis, selon le modèle établi par la bougeoisie nord-américaine. Ce Tío-ci, lui, est cubain et rebelle, bien qu'il soit noir comme son homonyme américain et qu'il ait aussi plus de 60 ans. Son vrai nom est Gonzálo Asencio, et il est le plus fécond et le meilleur compositeur de notre pays, de cette variante populaire de la rumba appelée "guaguancó".
Bien qu'il ait cultivé d'autres genres, dans la ligne de la rumba - les musicologues parlent de "el complejo de la rumba", c'est-à-dire: le yambú, la tahona, la columbia, le guaguancó, le papalote, la jiribilla - nous pouvons affirmer sans exagérer que les apports de Tío à sa spécialité le situent sur le même plan que Pérez Prado. Et si ce dernier a été appellé le "Roi du Mambo", Gonzálo Asencio, qui n'a jamais réclamé que lui soit décerné aucun laurier, mérite d'être couronné sans discussion le "Roi du Guaguancó".
Qui peut dire qu'il n'a jamais chanté, dansé, ou au moins écouté une mélodie de Tío Tom, sans le savoir? Car, mis à part son cercle d'amis et de musiciens - surtout des rumberos - peu nombreux sont ceux qui peuvent se vanter de l'avoir vu ou connu personnellement, mais nous avons tous entendu et même chanté des chansons comme: "Consuélate como Yo", et son refrain si populaire:
"Por eso ahora, ya yo no vuelvo a querer"
Et bien d'autres compositions comme: "Los Cubanos Son Rareza", "Bombón", "Color de Alelí", "Se Ha Vuelto mi Corazón un Violín",
"Al Señor Marqués", "Changó Va Vení", "La Reforma Va", "Ya me Estoy Poniendo Viejo", ou "Siento que me Regaña el Corazón", avec son non-moins célèbre refrain:
"Si tu me lo das, ¿porqué me lo quitas?"…


Aventures et Mésaventures de Tío Tom

Gonzálo Asencio Hernández "Tío Tom" est né le 5 avril 1919. Où? Un grand connaisseur de sa vie et de son oeuvre nous répond: "Il est né dans le solar "El Modelo", un modèle de Solar avec ses bagarres, sa musique et sa poésie". Il était situé à l'angle de la rue San Rafael et de la rue Hospital, dans le quartier de Cayo Hueso. Son père, Nicador, était docker. Il chargeait beaucoup de sacs et gagnait très peu, sur le quai "La Machina". Sa mère, Carmelina, était noire et très belle, excellente patissière, qui trouvait toujours pour cette raison une place de cuisinière chez les riches. Elle ramenait ainsi à la maison toujours quelque chose pour ses enfants: Gonzálo, Hilda et Santa, la plus petite. Vers 1925, ils déménagèrent et s'installèrent rue San Nicolás, entre la rue Marqués de la Torre et Calzada de Diez de Octubre. Gonzálo va alors à l'école publique jusqu'au CE2. Il suit plus tard des cours du soir dans cette même école. La vie devient très dure, et il doit travailler comme cireur de chaussures, comme vendeur de journaux, comme aide-maçon et comme journalier.
Au cours des années 1930, sa famille s'installe à l'angle de la rue Estévez et Nueva del Pilar. En 1946 son père meurt et quelques mois plus tard la famille déménage à l'angle de la rue Consejero et Zequeira, à Carragua, dans le quartier El Cerro; puis rue Pila, à Atarés. Au cours des années 1950, ils émigrent à Güines, où ils vivent rue Reina. Actuellement, la famille vit rue Camarera, à Guanabacoa. C'est en quelques mots la vie errante de Tío Tom et de sa famille.
Gonzálo commence à composer à l'âge de 15 ans à peine. Il connaissait des rumbas "de tiempo España", comme celle que nous avons mentionné: "Tu Ves, Yo no Lloro", "Coco Mangurria", et celle qui disait: "À la porte du bagne j'ai vu chanter un moineau". Il a connu les compositeurs et les chanteurs de rumba les plus remarquables de l'époque: Roncona, Mario Alan, Alberto Noa, Carburo, El Güinero, El Checa, notamment. Et, faisant de la rumba son moyen d'expression, il en composa une qui fut extrêmement populaire: "Mal de Yerba", qui utilise les titres des films les plus connus de l'époque, pour composer une chanson d'amour:
"El cartero llama dos veces
Mal de yerba
El suplicio de una madre
Tener o no tener, el gran bar
La luz que agoniza, ya lo ves…
Murieron con las botas puestas
En todos estos parrafitos
Que componen mi rumbón
Hay más de un peliculón
Que lo llevo en la memoria
Para grabarlo en la historia
Del libro de mis amores…"
À l'époque où les salaires étaient maigres et le travail rare, Tío vivait de rumba en rumba. Il faisait la fête et pouvait ainsi gagner deux ou trois pesos. Sa voix, ses pas de danse, ses mains martelant le tambour et son talent créateur faisaient le tour des solares de El Palomar (Vibora), La Siguanca (El Cerro), África (Cayo Hueso), de Belén, Atarés, Jesús María, Los Sitios, Pueblo Nuevo, et les autres quartiers de La Havane métropolitaine où l'on chante et danse traditionnellement la rumba. Il est vrai que parfois les fêtes dégénéraient en bagarres et en coups de poignard. Et Tío ne put échapper lui non plus à ces rixes. Mais c'est pendant le gouvernement (ou plutôt l'antithèse de gouvernement) de Carlos Prio Socarras qu'il s'est vu, pour des raisons politiques, dans une situation très difficile.


Les Compositeurs et les Chanteurs de Rumba sont Légion

Tío Tom en toute logique, n'a pas germé sur une terre stérile, mais sur un sol fertile qui a permis l'éclosion d'une véritable légion de compositeurs et de chanteurs de rumba talentueux. Nous ne pouvons prétendre rendre justice à tous ceux qui cultivent le genre; nous ne mentionnerons donc que les plus connus. Citons les noms de Calixto Callava, Peñita, Ignacio Quimbundo, Sivestre Méndez, Juancito Nuñez, Chano Pozo, dont nous avons déjà parlé, Wilfredo Sotolongo, Remberto Bequer, Jorgito Tiant, Evaristo Aparicio (El Pícaro), Mario Dreke "Chavalonga", Macho El Guanquí, Macho El Guapo, Alambre, Francisco Borroto, Santos Ramirez, et bien d'autres de différentes provinces, comme Juan Bosco, Saldiguera er Virulilla, de Matanzas. Parmis les virtuoses du quinto nous pouvons mentionner Ángel Contrerás (Caballerón), son frère Orlando, Julio Basave (El Barondo), Pedro Izquierdo "El Afrokán", Félix Xiqués, Eloy Martí, Juan Romay, los "Embales", los Papines, Cándito, El Patato, Armando Peraza ("Mano de Plomo"), Aristides Sotó "Tatá Güines", et tant d'autres…
Parmis les oeuvres devenues des "classiques" de ce genre inépuisable, on peut citer: "¿Xiomara Porqué?", d'Evaristo Aparicio, "Teléfonito" de Silvestre Méndez, "No te Detengas", "Voy pa' Pueblo Nuevo", de Mario Dreke "Chavalonga"; "Tiene mi Barrio de Atarés", d'Ángel Contrerás; "Nicasia la Ecolera", d'Alambre, "Dirán de mi Todo lo que Quieran", de Juancito Nuñez; "Crucé de las Antillas el Mar", de Guillermo Valdés Quintana; "Baila, Catalina con un Solo Pié", de Victor Marín; "La Rumba Tiene Valor", de Pablo Cairo… et n'oublions pas que beaucoup de compositeurs se consacrant généralement à d'autres genres musicaux, ont également fait des incursions dans la rumba. Tel est le cas de Julio Cueva ("Alamán, Alamán con Chévere"), José Antonio Méndez ("La Última la Traigo Yo"), ou Bienvenido Julián Guttiérez ("Cuatro Platos por un Coco"). D'ailleurs, ce compositeur fécond et varié, co-auteur de "Convergencia", s'est inspiré de la mère de Tío Tom, qui selon lui vivait à sa guise, pour composer sa "Carmelina". Et on peut se demander si cette phrase populaire: "Vive como Carmelina" à comme point de départ cette chanson ou si l'auteur s'est inspiré d'une tradition antérieure? Seule une étude sur une sujet pourrait répondre à cette question.
Nous n'avons pas encore parlé des compositeurs qui, comme Ernesto Lecuona, Eliseo Grenet, et Armando Orefiche ont rendu célèbres la rumba dans le Monde entier. Il s'agit, certes, d'une rumba plus "sophistiquée", d'une rumba "de salon". Les chanteurs comme Desí Arnaz et surtout Miguelito Valdés, qui rendit célèbre la rumba classique "Malanga Murió" de Chano Pozo ("Siento una voz que me dice: aguaniyé o"), ont aussi contribué à faire connaître internationalement la rumba. Cette expression afroïde que l'on retrouve dans de nombreuses variantes nous ramène à la question des locutions africaines, qui, depuis le siècle dernier, s'insèrent dans la rumba et dans d'autres genres actuels (les Mambos de Pérez Prado en sont pleins). Certains refrains du siècle dernier, comme "Senseribó, Senseribó", "Ekpe ma nko-ó" et "O ñaña-o", que nous avons déjà mentionnés, se sont maintenus jusqu'à nos jours sous de multiples formes, après avoir subi des mutations innombrables. Citons simplement un exemple: souvenez-vous du difficile et "inquiet" Daniel Santos quand il chantait "Anakobero, mi rumba Iyambá o".


De Lecuona à Tío Tom

L'influence de la rumba sur toute notre musique ne se circonscrit pas aux noms cités. Et puisque nous avons mentionné Ernesto Lecuona, nous reprendrons cette affaire intéressante de Juan Arrondo, un compositeur très populaire des années 40 et 50, qui disait: "Ma musique va de Lecuona à Tío Tom". En effet, Tío a profondément marqué la musique cubaine, même si ceux qui l'on exprimé aussi clairement que Juan Arrondo sont peu nombreux. Car la rumba a exercé une grande influence sur d'autres genres musicaux et sur bon nombre de ses meilleurs interprètes. S'il est vrai que le Son a imprégné les modalités les plus variées de notre musique (du Danzón à la Nueva Trova, et leur a redonné vigueur à différentes époques; il n'en reste pas moins vrai que la rumba aussi a insufflé un nouvel air au Son lui-même, quand celui-ci s'est établi à La Havane et à Matanzas. Ce n'est pas un hasard si le sonero mayor de La Havane, Ignacio Piñeiro (qui est né à Jesús María et qui a grandi à Publo Nuevo, deux barrios rumberos) a été un génial rumbero, et qu'en 1906 il appartenait au coro de clave et de guaguancó "Timbre de Oro". Il dirigea plus trad le coro de guaguancó "Los Roncos".
Beny Moré lui-même, qu'on associe généralement au Son, au mambo, à la Trova et au Bolero, a grandi dans une ambiance de rumba, ce qui se reflète dans son style, dans ses improvisations, dans les refrains de ses chansons et même dans les "reprises" de son orchestre. Beny lui-même se proclamait avec orgueil chanteur de rumba (et de guaguancó) dans la chanson: "Elige Tú, que Canto Yo" dont le refrain a une saveur caractéristique du guaguancó. Le refrain est d'ailleurs pratiquement identique à celui que Chano Pozo chantait avec l'orchestre de Dizzy Gillespie: "Cubano Be, Cubano Bop". Dans les fêtes des rumbas nous avons écouté des refrains très semblables quand à la ligne mélodique et aux accents rythmiques, comme celui-ci: "Con un solo pié, con un solo pié". Actuellement, la rumba excerce une influence sur des orchestres et des groupes très divers (de Rumbavana à Irakere). Et chez les chanteurs de bolero et de chansons comme Guillermo Diaz, on peut apprécier l'empreinte du guaguancó. Souvenons-nous également qu'une des oeuvres les plus populaires de la Nueva Trova, "Los Caminos de Pablo Milanés, est un guaguancó typique, dont la première partie est une "diana" de facture traditionnelle.


La Rumba et Tío: Préjugés et Plagiats

Si nous avons mis l'accent sur l'influence déterminante exercée par la rumba sur notre culture, c'est parce que, plus qu'aucun autre genre, elle a été discriminée, dénaturée dans des versions édulcorées et plagiées, notamment par des musiciens et des hommes d'affaires yankees. Depuis le siècle dernier, nombreux ont été les jugements péjoratifs portés des journalistes sur la rumba authentique. On disait - comme en témoigne Fernando Ortiz - qu'elle était "immorale", "licencieuse", "sauvage", "primitive", etc… et il était devenu habituel de la définir ainsi: "danse populaire cubaine appréciée dans certains milieux licencieux par des personnes enjouées". Même pendant la République néo-coloniale, et malgré les efforts soutenus de Fernando Ortiz, Alejo Carpentier, Amadeo Roldán, Alejandro García caturla et Nicolás Guillén et d'autres, qui ont combattu les prejugés racistes et les points de vue de classe ancestraux. La rumba a continué à être violemment critiquée et tournée en dérision par les justes et les saints de la bourgeoisie aisée. Le Danzón et le Son ont traversé une situation semblable, mais la rumba a sans aucun doute dû attendre plus longtemps pour acquérir ses lettres de noblesse. La rumba, traditionnellement moins diffusée par les médias et plus éloignée des circuits publicitaires, a également été plus souvent pillée qu'aucun autre genre. Sa musique se propage spontanément d'immeuble en immeuble, de rue en rue, et de quartier en quartier, et des musiciens "professionnels" s'en emparent et s'empressent d'inscrtire à leur nom un morceau jusqu'alors "anonyme"; l'attitude de certains musicologues qui ont engendré et alimenté le mythe du "folklore anonyme", n'a été d'aucun secours. dans une multitude de cas, on a découvert par la suite que ces oeuvres "anonymes" avaient un auteur, avec tous ses papiers en bonne et due forme.
Beaucoup de compositeurs de rumba comme Peñita, auteur de "Sepárate", "Mujer", "Suelta esa reja", ont ainsi été spoliés de leur oeuvre. Mais Tío Tom a été le compositeur le plus spolié, le plus plagié et le plus imité. Il y a par exemple une vieille rumba de Tío qui racontait un combat de coqs dans une enceinte située à un carrefour de La Havane, appelé "Tejas". le refrain disait: "Veinte le Doy a mi Gallo Pinto". La musique devint célèbre, avec quelques petites modification dont celle-ci: le coq n'était plus tacheté mais "déplumé". Un autre guaguancó célèbre de Tío, qui fit même le tour du Monde, s'intitule; "Siento que me Regaña el Corazón". le refrain en est très connu: "Si tu me lo das, ¿por qué me lo quitas?".
Il n'y a pas longtemps, un groupe venezuelien est arrivé à Cuba avec cette musique. Comment a-t-elle traversé la Mer des Caraïbe? Les musiciens eux-mêmes ne savaient pas le nom de l'auteur. Le chef-d'oeuvre "Consuélate como Yo", était revendiqué par plusieurs "auteurs", jusqu'à ce que la Révolution intervint, que tout fut éclairci, et qu'on rendit justice à Gonzálo Asencio, qui a inscrit à son nom ses principaux succès et qui continue à composer sans trève pour son peuple.
Gonzálo Asencio a composé un tel nombre d'oeuvres - des centaines - qu'il est le premier à ne pas se souvenir de toute sa musique, au contenu et à l'atmposphère extrêmement variés, Tío a composé, par exemple des "pregones", un genre musical pratiquement aujourd'hui oublié:
"Estiro bastidores, cunitas de niño y cama de mayores"
Les thèmes traditionnels empruntés aux croyances d'origine africaine comme "Changó Va Veni", ne pouvaient manquer:
Ya empezó el tambo', oye la tambo'tá' sona'
Y todos los santeritos cantan así:
Changó va veni', Changó va veni'
Con el machete en la mano,
Tierra tiembla y Zarabanda Manomo
Mundo Acaba"
Tío aborde dans ses chansons des situations comiques, des tragédies familiales, des problèmes sociaux, etc… Mais il y a un aspect exeptionnel qui mérite d'être souligné: le thème du "machisme", du "dur" du quartier, leitmotiv de la chanson sur les déceptions amoureuses et sur les femmes, est traité d'une manière toute à fait personnelle. Dans "Ya Ves que me la Jugué" et "De qué me Sirve una Mujer", Tío Tom sait combiner savament l'amour, la nostalgie, la violence, l'ironie, la tendresse, les caractéristiques typiques cubaines… Il n'est jamais tombé dans le mauvais goût faubourien de certains "boleros", "tangos", "rancheras", de certaines chansons, et aussi de certaines rumbas, qui sont monnaie courante dans le musique latino-américaine. Par exemple, Tío sait comment rtegarder d'un oeil espiègle et spirituel l'infidélité d'une femme dans son guaguancó "Tun-tún, ¿Quien Es?". Il n'en reste pas moins qu'il a composé des chansons comme celle-ci, qui date d'il y a 15 ans et que, soit dit en passant, les compositeurs ne se lassent pas d'imiter; "Tu esres una coqueta, que a nadie respeta…"
Mais il y en a d'autres comme celle-ci: "Con ese caminaíto que tienes tú", "¡Caballeros, qué mujer!", "Corazón que Naciste conmigo", "Cuando Yo la Ví por Primera Vez", "Escondido en las Aguas", "Pensé Darte mi Nombre", "Yo no Tuvé la Culpa", et bien d'autres, où la femme apparaît comme une compagne et non comme une infidèle ou une menteuse. La Révolution et les positions anti-impérialistes occupent une place de choix dans son oeuvre, comme nous l'avons déjà signalé: "Este es mi País", "Tierra Brava", "La Reforma va", "Camilo Cienfuegos", "Che Guevara", "Viva Fidel", "Ahora Tenemos Armas y Aviones", "Señor Marqués", "Váyase pa' España", "Que Canten los Bandoneones", "Que Ha Nacido el Che Guevara", "Vamos pa'l Cañaveral", "Y Siempre es 26", "Quita la Mano", "Americano"…